POUR L'AMOUR D'ELLE....
Assise sur l'escalier en Pierre de la demeure de grand mère , j'essaie de me souvenir de son visage, de sa voix, et des conseils qu'elle me donnait si souvent, enfant, adolescente , mais également lors de mes périodes amoureuses lorsque, invariablement je me demandais si le garçon que je venais d'embrasser était le prince charmant que mon cœur espérait...J'attendais ce moment extraordinaire où elle me disait de poser ma main sur la pierre , cette fameuse pierre ronde comme un galet et qu'elle disait magique...Dans ces moments là sa main recouvrant la mienne, elle aurait pu me parler ainsi pendant des heures sans que je ne bouge, écoutant sa voix égrener ses multiples et fabuleux souvenirs. Comme à chaque fois le récit qu'elle m'en faisait était différent, comme si grand mère avait eu plusieurs vies...Mais ces histoires là, vraies ou non, m'ouvraient des horizons extraordinaires me permettant de comprendre ce que je vivais à ce moment là et qui me paraissait alors être dans ma tête de petite fille un événement insurmontable...
Déjà dans ma petite enfance, si j'arrivais chez elle avec un gros chagrin parce qu'on m'avait pris mon goûter, tiré les cheveux, déchiré ma robe, parce que je m'étais battue et que maman allait me gronder, la pierre magique et la douce voix de grand mère me consolaient et j'entrevoyais les choses plus sereinement...Et puis si maman risquait de me gronder, les arguments pour défendre ma position me venaient plus facilement à condition que celle ci soit défendable car lorsque j'avais tort ,j'attendais la punition qui découlait inévitablement, beaucoup plus dans l'acceptation et non pas avec un sentiment d'injustice...Ainsi j'appris dès l'enfance que même en cas de sottises ou de mauvais comportements, il y avait toujours moyen de changer le cours des choses à condition d'accepter les conséquences qui pouvaient en découler ; une certaine manière de grandir et de voir les choses avec plus de discernement...Mais si j'avais raison, j'appris à défendre mon point de vue avec force et véhémence car cela faisait partie de mon caractère, toujours dans le respect de l'autre...même si cela m'était difficile parce que la colère pouvait envahir ma tête et mon cœur, m'empêchant d'avoir un sentiment objectif...
Cette pierre magique j'appris très tôt qu'elle était comme un secret entre grand mère et moi...Elle m'avait fait promettre de ne pas en parler, autrement le pouvoir surnaturel qu'elle dégageait disparaitrait...Je compris ainsi, que maman n'avait pas eu droit au même traitement que moi, et que si j'en parlais, grand mère risquait de se faire gronder, aussi considérais je ce secret aussi magique que la pierre...
****************************
Un jour il m'en souvient je venais de rentrer en sixième, j'étais tétanisée d'avoir quitté mon école, ma maîtresse, mes amies pour aller vers cet inconnu...Je n'avais plus envie d' apprendre , je ne voulais pas me faire de nouveaux amis...Je me disais que je n'étudierais plus et qu'ainsi on serait obligé de me renvoyer...Alors grand mère me raconta cette histoire extraordinaire qu'elle avait vécu (ou bien maintenant je me dis sûrement inventé)...Je ne sais par quel miracle alors que je pensais que nous étions d'Afrique du Nord, je me suis retrouvée arrière petite fille de réfugiés Italiens, arrivés en France sans argent, ayant tout abandonné pour donner à leurs enfants la chance de faire des études et de pouvoir s'en sortir dans la vie...Ils avaient tout connu , les chambres sordides entassés les uns sur les autres, le manque de nourriture, les insultes et les quolibets des autres enfants qui les traitaient de « nabots » ou de « sales italiens ». Mais ses parents d'honnêtes travailleurs continuaient à leur inculquer la force du travail et les obligeaient à parler en Français à la maison même si parfois eux mêmes avaient du mal à comprendre...Sa maman n'eut aucun mal à régaler les papilles de nombreuses familles françaises car elle était paraît il une fameuse cuisinière , ainsi devint elle rapidement la Regina de la « Pasta »et de la « Pizza »...Son père appris très vite le métier de maçon et la construction d'une maison n'eut plus de secrets pour lui...Ils ne comptaient pas leurs heures, et les enfants devaient se débrouiller seuls, mais ils avaient tous un objectif apprendre à l'école et pouvoir enfin aider leurs parents...Alors eux qui s'était battus avec la vie, avec les études, avec le temps, comment moi petite fille pouvais je penser une seule seconde que parce que je changeais d'école le monde s'écroulait..
Et puis elle eut un argument extraordinaire..Elle, ma grand mère n'avait pas pu bénéficier de la pierre magique...
-Mais alors grand mère comment a-t elle pu arriver jusqu'à toi?
Et inévitablement elle me répondait
-Un jour viendra où je t'expliquerais peut être, mais ce n'est pas encore le moment...Un jour tu grandiras et puis tu comprendras...
Cette pierre grand mère m'avait toujours dit qu'il fallait rester longtemps la main dessus et que seulement lorsqu'elle devenait chaude, très chaude, la solution apparaissait...Alors on la tenait le plus longtemps possible, je ne bougeais pas, et sa main sur la mienne, elle me racontait ses histoires qui de près ou de loin avaient finalement un lien avec le problème ou l'incident qui me préoccupait..
Oh que j'ai aimé ensuite ces années de collège entre la sortie de l'enfance et l'adolescence Toutes ces années où mon esprit se transformait en même temps que mon corps...
Cette impression de devenir quelqu'un d'autre tout en ne voulant pas dire « au revoir » à la petite fille...
De mon enfance j'avais gardé mes secrets avec grand mère et c'est à elle et à la pierre magique que je confiais mon évolution, mes questions , mes doutes, mes erreurs, mes premiers Amours, mes premiers chagrins d'Amour...A chaque fois j'ai cru mourir, mais sitôt posée la main sur la « pierre », je me sentais ressuscitée...Comme si tout au long de ces années cette Pierre était devenue la Pierre de Vie, celle qui me donnait la voie à suivre, celle qui m'insufflait ma joie de vivre...
Grand mère me disait souvent
-Petite je vieillis, quand je ne serais plus là, ne pleure pas, pense juste souvent à la pierre et à ce que nous faisions ensemble, n'oublies pas de réfléchir avant de faire quelque chose , prends ton temps et si tu te trompes, corriges tes erreurs et continues à avancer...
Mais moi du haut de mes quatorze ans je me disais qu'elle était immortelle et qu'elle s'inquiétait pour rien...
Oh elle avait encore ces histoires étranges et rocambolesques à me raconter, mais qui lui servaient de support pour m'aider à avancer...Je fus tour à tour arrière petite fille d'un capitaine au long cours qui fit preuve d'actes de bravoure pour sauver son équipage, alors que son bateau était attaqué par des pirates...Et puis d'un Prince Russe déchu qui avait du quitter la Russie devenue communiste...et se reconstruire tout en restant digne...Ah oui j'oubliais mes arrières grands mères qui n'étaient pas en reste...Descendante d' Hachepsout, l'unique Pharaonne d'Égypte, l'une fut enlevée par un Prince Arabe, beau comme un Dieu et dont elle arriva à négocier sa sortie du sérail...Et bien d'autres encore...Bref ma grand mère aurait pu écrire des livres tant son imagination était fertile, et même en grandissant alors qu'elle savait que je ne croyais plus à ses histoires, elle me disait souvent...
-Laisses à ton esprit sa part de rêves, c'est la seule chose que personne ne pourra te prendre , et si tu n'en réalises qu'un seul dis toi que tu auras eu une belle vie...
-Mais alors grand mère Notre Pierre magique fait elle partie du rêve ou son pouvoir est il réel ?
- Mon enfant si tu me poses cette question c'est qu'il faut encore que tu grandisses..
J'ai continué à avancer entre l'Amour de mes parents et mes visites à grand mère...Oui c'est vrai à l'adolescence j'ai espacé, je l'aimais toujours autant , mais je voulais montrer que maintenant j'avais grandi et que j'avais ma vie...
Très vite lorsque j'avais un chagrin je venais chercher le réconfort de la pierre et de grand mère...
Les années d'études , des amis, des sorties, la découverte de la vie, m'ont certes un peu éloigné des miens , mais je savais qu'ils étaient là et je me sentais invincible...
Je pensais m'éloigner d'eux , mais je m'étais construite grâce a eux et aux histoires de grand mère...Je les avaient toutes enfouies au fond de ma mémoire et lorsqu'une situation difficile se présentait à moi , j'allais dans mon « coffre fort » à histoires et souvent en y repensant je trouvais une façon de contourner la difficulté...Alors dans ces moments là j'appelais grand-mère lui demandais de mettre sa main sur la Pierre , et je me sentais rassérénée, plus forte et prête à affronter mes peurs et mes angoisses...
*****************************
Un jour alors que je finissais mes études et m'apprêtais à rentrer dans la vie active, maman m'appela pour me dire que grand mère très fatiguée était rentrée à l'hôpital...J'arrivais à Nice par le premier avion , filait à l'hôpital, mais déjà ses forces la quittaient et je n'eus que le temps de l'embrasser...
Elle ouvrit les yeux et murmura ,
- Le premier tiroir de la commode ,
me sourit et s'en alla rejoindre ses princes, capitaines, commandant, agents secrets...
Ma peine fut immense, et je me demandais comment j'allais faire pour vivre sans elle. Mes parents sachant la complicité qui nous unissait et l'amour que je lui portais m'entourèrent de toute leur affection...
Et puis à quelques temps de là maman me dit
- Tu sais j'aimerais que tu viennes avec moi chez grand mère , nous devrions nous séparer de quelques affaires et peut être veux tu en garder quelques unes?
Je l'ai regardé abasourdi , comment pouvait-on penser à vider la maison de grand mère, pour moi tout était à garder car c'était le monde de mon enfance...Comment pourrais je dire ou voir mes parents vendre ou donner telle ou telle autre chose, objet, meuble, avec eux partiraient tous mes arrières grands parents, tout mon héritage d'histoires fabuleuses, rocambolesques se perdraient dans la nature..J'allais me trouver Orpheline à la puissance X...Et puis si les personnes qui achetaient tel ou tel meuble ou objet voyaient tout à coup en sortir un personnage, ils ne comprendraient pas, ils penseraient halluciner...Et puis peut être pour se débarrasser de ces drôles d'hallucinations se mettraient t-ils à brûler meubles et objets...
Et grand mère souffrirait...Mais comment faire?..
Assise sur l'escalier en pierre je réfléchissais....Tout à coup la voix de maman me disant de me couvrir et de m'asseoir ailleurs que sur la pierre froide me fit l'effet d'un électrochoc...Grand mère partie, j'avais oublié celle qui m'avait souvent aidée à trouver des solutions à mes petits problèmes de vie,
« Ma Pierre magique », voilà il n'y avait qu'elle pour m'aider à y voir plus clair...Il me semblait bien que grand mère m'avait parlé avant de s'en aller vivre d'autres aventures...Je restais là prostrée , incapable de me souvenir...
Soudain j'entendis maman dire à Papa ,
-Cette commode je l'ai assez vu toute mon enfance, on pourrait la vendre...ou peut être la donner...
Je bondis sur mes pieds , rentrais dans la maison, déboulais dans la chambre de grand mère et me mis devant la commode prête à en découdre avec le premier qui y toucherait...
Mes parents me regardèrent ahuris ne comprenant rien à mon désordre mental...Je n'arrivais pas à parler, hoquetais,trépignais...Maman pris papa par le bras et sortit de la chambre me laissant enfin seule avec « ELLE »...Je tournais autour, n'arrivant pas à me décider à ouvrir le tiroir, elle avait dis le premier , et puis il fallait faire vite les parents allaient revenir...Alors je posais mes deux mains sur les poignets de la commode et me mis a tirer...Impossible, impossible d'ouvrir...je m'y reprenais à plusieurs fois, m'arque boutait...Rien à faire...Alors mentalement je me mis à parler avec grand mère , je caressais le tiroir, repris en main les poignets, et soudain il s'ouvrit comme par enchantement...
Elle était là , en plein milieu...Je la regardais, n'osais pas la toucher...Mais elle n'était pas seule...Elle était accompagnée entre autres de ma dernière tétine, de mes premiers chaussons et dans une petite boite , ma première dent de lait...et quelques autres objets m'ayant appartenu...Je me souvenais de tout, grand mère avait donné ma « teut » au Père Noël, j'y avais cru « dur comme fer » et pour prouver que j'étais grande , je n'avais plus pleuré pour m'endormir...
Et puis la dent elle, était tombée alors que je croquais dans une pomme...Enfin j'attendais cela depuis si longtemps car on m'avait promis que si je la mettais sous l'oreiller la petite souris avalerait ma dent et me laisserait une belle pièce pour mettre dans ma tirelire...
...Oh une carte que j'avais écris lors d'un voyage avec papa et maman, enfin qu'ils m'avaient dicté, je m'en souvenais bien , maman m'angoissait pour que je forme bien mes lettres et papa lui demandait de contrôler les fautes d'orthographes et moi je ne comprenais pas pourquoi il fallait écrire à grand mère puisqu'on lui avait parlé au téléphone et puis que de toutes les façons ils allaient oublier de la poster et qu'elle arriverait alors qu'on serait rentré et c 'est ce qui arriva...
...Ca alors mon cahier de poésie du cours élémentaire 1ère année!!!Je me souvenais tout à coup de cette maîtresse si gentille qui m'avait donné envie d'apprendre ces poèmes et de les réciter. Chaque poésie c' était comme un véritable voyage, une histoire extraordinaire, comme celles que me racontaient grand mère...
Elle me les faisait réciter et me disait toujours ,
-tu ne dois pas apprendre par cœur mais comprendre ce que tu récites...Toute la beauté d'une poésie est dans l'intonation et dans la façon que tu auras de la réciter...Prends ton temps, respectes les points et les virgules, rends hommage à l'auteur, n'oublies pas son nom car il vient de te combler de plaisir...Le plaisir des mots ,de la rythmique
...Et puis il y avait le dessin , le fameux dessin qui devait illustrer la poésie...Il fallait s'appliquer, mettre les belles couleurs...Que de souvenirs dans un cahier de poésies d'enfant...et que d'images enfouies au fond de notre mémoire visuelle...
Que de plaisir aussi et que d'angoisses lorsque la maîtresse nous désignait pour aller réciter devant toute la classe...
...Et puis ma première montre, enfin j'étais capable de me diriger dans le temps...Quelques autres objets auquel j'avais tenu et tout un tas de photos de moi a différents âges...
Oui grand mère avait gardé toutes ces choses qui avaient constitué ma petite enfance et m'avaient permis de grandir et de me construire...
Et « Elle » elle était là au beau milieu et je n'osais même pas la prendre, mes yeux la caressaient, mais mes mains avaient du mal à s'en emparer...Il fallait maintenant que je fasse vite , mes parents n'allaient pas tarder à revenir et je devais la soustraire à leurs yeux, ils ne comprendraient pas , la prendrait pour un vulgaire galet et seraient capable de la jeter...Pour moi c'était ma lampe d' Aladin, le plus beau cadeau que grand mère pouvait me faire...Toute mon histoire jusqu'à présent était inscrite dans la mémoire de cette pierre...
Toutes les histoires que me racontait grand mère elle en avait été le témoin...
La voyant là accompagnée de ces autres objets, je comprenais bien sur, qu'elle avait été un prétexte pour m'aider à grandir, mais en la gardant près de moi et avec moi elle me ferait souvenir que grâce a telle ou telle autre histoire, ma vie de jeune enfant s'était construite...Certes c'est en moi que je trouverais la façon d'accepter les joies, de surmonter les épreuves et les peines qui accompagneraient ma vie, et c'est encore en moi que je trouverais la force d'être à mon tour mère et peut être grand mère...Mais je suis sure que si elle est là près de moi , juste de la caresser le pouvoir magique que grand mère y avait mis reviendrait...
Les gens garde des photos des êtres chers ou un objet qui leur rappelle qu'ils ont été là, moi c'est cette pierre qui me dira toujours que grand mère pense à moi et ne m'oublies pas...
Aller un effort, mes mains cessez d'être tétanisée...Je les avance...Instinctivement elles reculent, intimidées...Mes mains ont peut être peur du contact de ce que cela va provoquer chez elles...Mais il faut faire vite , mes parents vont revenir, ne rien comprendre et polémiquer quand au galet que je veux garder...Je les entends déjà me railler...Un vulgaire galet Niçois comme il y en a tant sur les plages, même pas un qui est peint, non un galet comme ceux que tous les enfants niçois aiment à lancer dans la mer, un de ces galets qui vous font mal aux pieds et dont on a du mal a se passer...D'ailleurs Nice sans ses galets ne serait plus Nice...et pourquoi celui ci et pas un autre???
Mais pour moi ça n'a jamais été un galet, mais « Ma Pierre Magique », qui détient la mémoire de mon enfance et de toutes les histoires de Grand mère...
Voilà mes mains vous y êtes ...Oh, merci!!! Enfin vous avez cet extraordinaire courage de le faire...
Elles s'en saisissent et tout à coup manquent de la lâcher!!!La chaleur qu'elle dégage me brûle les mains...Je sors en trombe de la chambre, cours me réfugier sur l'escalier en pierre , la pressant contre mon cœur, sa chaleur m'envahit et enfin mes larmes coulent...Je dis Adieu mentalement à mon enfance, le monde des Adultes s'ouvre à moi...Qu'importe tout ce qui se trouve dans la maison, la mémoire de mon enfance est là dans cette merveilleuse Pierre que je serre tout contre moi...
3 ème prix CONCOURS DE NOUVELLES DE LA VILLE DE NICE 2013
7 HEURES...7 MINUTES...7 SECONDES...
Plus que sept heures, il ne lui restait plus que sept heures et son coeur s'arrêterait de battre !!! Il lui fallait trouver l' antidote qui relancerait en elle le processus de la vie...C'est bien ce qu'avait dit le médecin...Mais elle ne comprenait toujours pas ce qui s'était passé réellement...Qui avait bien pu faire un tel diagnostic au laboratoire de l'hôpital? Elle était pourtant consciente lorsqu'elle était arrivée aux urgences, juste quelques contusions qui avaient conduits les pompiers a la faire hospitaliser pour contrôler si il n'y avait pas un problème plus grave caché derrière les ecchymoses...Mais son coeur battait sans aucun doute de façon régulière et normale et elle se sentait prête à repartir sur ses deux jambes!!!Pourquoi donc alors cet infirmier s'était il penché sur elle en lui affirmant avec force qu'il devait lui faire une injection qui éviterait qu'elle ne souffre de douleurs trop importantes en rentrant à son domicile. Après tout s'était elle dit, une injection d'analgésiques était préférable à une prise massive de cachets qui nuiraient à son estomac et risquaient de réveiller de vieux fantômes habités par des douleurs désagréables...Elle pensait donc en avoir fini avec les urgences, quand en se levant, tout se mit à tournoyer, elle alla cogner la tête contre un brancard abandonné au milieu du couloir, tomba face contre terre, laissant la place libre à un évanouissement qui dura quelques minutes et plongea le service médical dans une confusion telle qu'ils faillirent céder à la panique pensant qu'ils avaient laissé passer un indice lors des examens qu'ils avaient pratiqué à son arrivée...Elle se réveilla et s'aperçut qu'elle était allongée, sur un lit, et que 4 ou 5 personnes en blouses blanches s'affairaient autour d'elle, prenant sa tension, lui retirant du sang avec une seringue, auscultant son coeur...Elle dut les regarder de telle façons qu'ils s'arrêtèrent attendant sa réaction...Elle se posa certaines questions dans sa tête avant d'arriver à véritablement les formuler...On lui demanda de rester tranquille le temps de finir les examens et de ne pas bouger tant que certains résultats ne seraient pas arrivés...Elle se sentait tout à coup vidée, et pour le moins bizarre...Allongée sur ce lit étranger, entre rêve et réalité, elle semblait somnoler lorsqu'un médecin s'approcha d'elle pour lui parler...
« Qu 'avez vous donc pris avant votre accident? Vous rappeler vous par hasard ce que vous avez mangé ou bu? »
Elle resta quelques secondes silencieuse essayant de se souvenir... « J'avais un rendez vous et j'étais quelque peu en retard, donc je n'ai pas pris le temps de déjeuner ce matin, juste un café et une galette de riz, et ah oui un verre d'eau avant de partir... Et puis plus rien, j'étais presque arrivée lorsque ce cycliste, sorti de nulle part m'a percuté et envoyé à terre...D'ailleurs je n'ai même pas cogné la tête et j'allais me relever quand une Dame m'a dit avoir appelé les pompiers et qu'ils valaient mieux qu'ils m'auscultent avant d' éventuellement repartir..J'ai donc attendu et je me suis retrouvée aux urgences où à mon sens je n'avais rien à y faire... »
Le médecin semblait ennuyé et la regardait en se demandant comment il allait lui annoncer la funèbre nouvelle!!!.
« Voilà dit il, après votre évanouissement nous avons pratiqué des prélèvements sanguins et notre laboratoire vient de nous en donner le compte- rendu...Bon, on va bien sur refaire des contrôles et puis communiquer avec d'autres laboratoires »...
La vieille dame l'observait ne comprenant pas où il voulait en venir et s'apprêtait à le lui dire quand tout de go et sur un ton monocorde et rapide il lui dit « Nous avons trouvé un poison dans votre sang et sa violence est telle qu'il ne vous reste que quelques heures avant que les effets ne se fassent sentir , vous manquerez d'air et votre coeur s'arrêtera provoquant une mort subite »
La vieille dame le regarda avec l'air de quelqu'un que l'on venait d'assommer, ce n'est pas possible se dit-elle , je dors , je vais me réveiller ce n'est juste qu'un cauchemar, elle n'osait plus parler car elle savait que le son de sa voix la ramènerait dans la réalité de ce qu'elle venait d'entendre...
« Mais dit-elle tout doucement, n'y a t il pas un contre-poison et puis comment aurai je fait pour le prendre, je m'en serais aperçu , ce n'est pas possible... »
Il lui semblait qu'elle devait se souvenir de quelque chose , elle réfléchissait, quand tout à coup lui revint en mémoire l'infirmier « Mais oui c'est surement lui il se sera trompé de produit et m'aura inoculé ce poison au lieu des analgésiques ...»dit-elle en regardant le médecin...Celui-ci ne comprenant rien à la réflexion qu'elle venait de faire, pensa que sous le choc de sa mort imminente, elle racontait n'importe quoi...
« Qui donc vous a inoculé du poison, êtes vous sure d'avoir vu quelqu'un ou bien est-ce juste une supposition??»
« C'est votre infirmier cria t-elle, celui qui est venu tout à l'heure et qui m'a dit que c'était des analgésiques pour que je souffre moins de mes contusions lorsque je rentrerais chez moi, et je ne suis pas folle, j'ai toute ma tête , cessez de me regarder comme si j'étais en train de vous raconter des sottises, il en va de ma vie , allez donc le chercher et demandez lui ce qu'il a bien pu mettre dans la seringue?
Le médecin la regarda en se disant que l'effet du poison commençait à agir sur son cerveau et qu'elle se mettait donc à avoir des hallucinations, il se mit à lui parler tout doucement …
« Nous n'avons pas d'infirmier ce soir , que des infirmières, je suis le seul docteur, les autres ont été envoyés en renfort à l' hôpital-Est suite à une explosion qui a malheureusement fait beaucoup de blessés , et je n'ai jamais demandé que l'on vous fasse une piqûre d'analgésiques , d'autant que le poison que vous avez dans le corps n'est pas un produit que nous avons dans notre pharmacie ... »
« Je vous dit que c'était un homme, j'en suis sure »balbutia la vieille dame qui commençait à perdre ses moyens.
« Allons dis le médecin, cessez de vous énerver, on a environ 7 heures avant que le produit ne fasse son effet définitivement et nous sommes entrain de l'analyser afin de trouver un antidote!!! »
Il resta ainsi la regardant fixement ne sachant plus quoi lui dire mais certain dans son for intérieur qu'il n'y avait rien à faire, personne au laboratoire ne connaissait les éléments qui constituaient ce poison et ils manquaient de temps pour arriver à les isoler, la seule chose dont le laboratoire semblait sure c'était ce temps exacte Sept heures!!!
Avec une certaine mansuétude, il toucha le bras de la vieille dame, et se dirigea vers la porte ne sachant quelle autre attitude adoptée devant la détresse qui se lisait dans les yeux de notre victime...
**************************
Elle se mit à réfléchir quoi qu'en pensait ce médecin elle savait que son esprit n'était pas du tout embué et qu'elle avait toute ses facultés mentales .
C'était sa vie et ces sept dernières heures lui appartenaient, elle devait donc en faire bon usage et elle décida de quitter l'hôpital...Elle s'assit sur le lit , attendit de voir si la tête ne lui tournait pas et très doucement fit pendre ses pieds par dessus celui-ci...Tout semblait aller pour le mieux , elle pouvait maintenant tenter la position debout, son corps ne semblait pas l'abandonner , mais elle avait quand même une certaine angoisse quand elle repensait a son évanouissement de tout à l'heure...Elle était encore habillée, il fallait juste qu'elle trouve ses chaussures...Elle regarda dans la pièce tout autour et se dit que peut être quelqu'un les avait glissés sous le lit...Il semblait que c'était une chambre d'appoint tel que l'on en trouvait aux urgences et il n'y avait pas d'armoire. Doucement elle plia les genoux et alla regarder dessous. Elles y étaient bien, elle les tira à elle et délicatement les enfila...Elle avait des gestes très lent à l'écoute de ce qui pouvait se passer dans son corps , mais tout semblait à peu près normal. Son sac était posé sur la chaise, elle s'en saisit et machinalement l'ouvrit pour contrôler si tout y était et surtout ses papiers , son téléphone portable et les clés de son appartement...Ah oui voilà ce qu'elle cherchait , un petit morceau de papier blanc et un stylo...Elle décida donc de laisser un mot, avertissant ainsi le médecin de son départ
« Désolé de vous fausser compagnie, mais vous comprendrez je pense que le peu de temps qu'il me reste à vivre m'appartient et je compte bien en profiter A toutes fins utiles au cas où votre laboratoire trouvait l'antidote, je vous laisse une carte de visite avec mon adresse et mon numéro de téléphone portable , autrement a plus tard la haut ou dans une autre vie... »
Elle sortit dans le couloir, tout était maintenant à peu près calme, de l'autre côté le corps médical se trouvait dans un bureau et semblait s'octroyer un instant de détente bien mérité...Des plaisanteries fusaient, ils ne feraient pas attention à elle, elle profita de ce moment pour hâter le pas et passer la porte qui la conduisait dans le hall de l'hôpital , quelques secondes encore et enfin elle se retrouva sur le trottoir, huma l'air et décida de ne plus perdre de temps ,il ne lui restait certainement plus que 6H30...Mais qu'allait elle donc faire de ce temps qui d'ors et déjà lui était néfastement compté.
Appeler ses filles!!! Non se dit elle , toutes deux pleureraient et il valait mieux qu'elles l'apprennent lorsqu'elle serait déjà partie...Mais elle devait trouver une papeterie pour acheter du papier et des enveloppes...Ecrire une lettre à chacune qui servirait de testament affectif, pour leur dire qu'elle les aimaient voilà la solution et quelques recommandations d'ordre financier et pratique quand à son incinération et ses désidératas...
Elle aperçut une boutique, elle devrait y trouver ce qu'elle cherchait et de l'autre coté de la rue la terrasse d'une brasserie lui tendait les bras. Elle s'assit , commanda un double café, au diable l'avarice et commença à écrire...Elle se sentait bizarre de devoir écrire ainsi à ses filles , les lettres devaient être courtes , elle ne pouvait s'étendre sur le papier comme elle aurait voulu le faire, se souvenir de ces merveilleux moments passées avec chacune d'elle depuis leur naissance, il fallait en peu de mots, leur donner la dimension de son amour et surtout elles devaient continuer à vivre le plus sereinement possible...Mon Dieu mais pourquoi moi et pourquoi maintenant? J'avais encore tant de choses à leur transmettre , tant de conseils à donner à mon petit fils, les larmes montèrent à ses yeux, mais elle n'avait pas le temps de s'apitoyer sur elle même, il fallait qu'elle comprenne ce qui s'était passé.
Jetant un oeil furtif sur sa montre, elle se dit qu'il était temps de partir, elle étala un maman sur la deuxième lettre et rajouta une petite fleur stylisée comme elle le faisait lorsqu'elles étaient petites , les mis sous enveloppes, les cacheta toutes les deux, mit les adresses, se leva pour aller payer son café et demander au garçon si par hasard il n'avait pas deux timbres et où se trouvait la boîte aux lettres...Elle avait encore les yeux brillants des larmes et le garçon l'avait vu essuyer furtivement ses yeux, aussi lui donna t-il les deux timbres et lui proposa t-il de les mettre au courrier avec les siennes, elle eut un moment de doute, les posterait-il vraiment? Mais elle n'avait plus le temps, elle devait lui faire confiance, elle le remercia et quitta le café prestement...
Elle se demanda ce qu 'elle avait vraiment envie de faire de ce temps compté...
Aller s'asseoir au bord de la mer, il faisait si beau , et elle adorait tant le soleil en cette demi saison, lorsqu'il venait lécher son visage alors qu'elle bouquinait à une terrasse de café...Entendre une dernière fois la voix de ses amis...Prendre un avion et aller rendre son âme à l'autre bout du monde, non en six heures, elle n'avait plus de temps de partir si loin...Alors rentrer dans un lieu de culte et chercher la personne celle qui avait vraiment reçu « l'appel » et qui pourrait peut être lui expliquer...Mais existait -elle vraiment cette personne? Y avait-il sur cette terre un seul être humain qui pouvait se targuer d'avoir vu Dieu, d'avoir pu parler avec lui, d'avoir pu être investi par lui et par lui seul, d'une foi sans limite, sans doutes!!! Embrasser la foi était ce par peur de l'inconnu , une certaine manière de se protéger à l'ombre de la chapelle choisie , ne pas affronter les réalités du monde , ne pas connaître la faim, le chômage...Détenir un certain pouvoir, celui de dire je suis un messager de Dieu et vous devez en tout point suivre les préceptes qui nous ont été transmis , sous peine d'être puni et de ne jamais connaître l' Eden...Mais elle où irait-elle, quelle place serait réservée à son âme dans l'univers, la vision de l' Ange qui la protégeait se présenta à son esprit mais où se cachait-il maintenant qu'elle avait besoin de lui ? De quel droit pouvait-on décider de sa mort prochaine?
*****************************
Elle sentit tout à coup la colère l'envahir, non elle ne voulait pas partir maintenant c'était beaucoup trop tôt, elle devait se battre, ne pas baisser les bras , occuper ces 6 heures à tenter de comprendre, elle ne pouvait compter que sur elle même...
L'énergie qui habituellement l'habitait refaisait petit à petit surface!!!
Elle se souvint alors de son ami chercheur scientifique avec qui elle s'était liée d'une pure amitié quand elle voulait rompre la chaîne de sa solitude en essayant de rencontrer l'âme soeur...Il avait été charmant, mais son coeur encore meurtri d'une mésalliance avec un terroriste affectif n'était pas prêt, ils étaient donc restés amis et assez souvent se retrouvaient pour discuter autour d'un verre , partager un cinéma ou un théâtre, et lui, lui parlait de ses aventures qui finalement n'aboutissaient jamais...Combien de fois s'était elle prise à penser qu'elle avait eu raison de le garder en ami, plutôt que de s'investir dans une relation amoureuse qui serait allée droit dans le mur tant il semblait indécis en amour et quelque peu volage...
Elle sortit le téléphone de son sac, fit dérouler son carnet d'adresse jusqu'à ce qu'elle tomba sur son nom et son numéro de tél, pourvu se dit elle qu'il ne soit pas parti en vacances avec une nouvelle conquête, ou bien entrain de golfer sur un terrain quelconque...Son coeur battait la chamade , en entendant les sonneries, à la cinquième elle attendait le répondeur pour laisser un message , lorsque de l'autre côté de la ligne, lui parvint sa voix...
« Ah enfin tu appelles!!! As tu eu mon message ? Il faut que je te vois très vite...Crois moi le temps va passer très rapidement... »
A ce moment là , la communication se coupa comme souvent avec cet opérateur...Elle n'avait pu dire un mot, assez interloquée qu'il soit au courant de ce qui lui arrivait? Il fallait qu'elle le rappelle ou bien allait il le faire? Les communications allaient se croiser et ils n'arriveraient pas à se joindre comme cela était souvent le cas...
Elle n'était pas très loin de chez lui, en marchant vite, elle serait à son domicile dans moins de dix minutes, elle ne remit pas le téléphone dans son sac et le maintint à portée de main dans sa poche au cas où il rappellerait...
Moins de sept minutes après, elle se trouvait devant l'immeuble de son ami, elle reprit son souffle et s'aperçut qu'elle avait plus couru que marché, décidément elle était vraiment très perturbée , mais qui ne le serait pas à sa place pensa t-elle!! Sa main s'allongea et son doigt appuya machinalement sur la sonnette...Est-ce toi demanda une voix qui semblait anxieuse, comme stressée, pressée peut être, une de ces voix que l'on peut arborer dans une situation grave, voire catastrophique...Tout en répondant « oui », elle se demanda pourquoi son ami se trouvait aussi touché pour un problème qui sommes toute la regardait elle, qu'il compatisse, elle pouvait comprendre , mais de là a se mettre dans un tel état!!! Et puis comment pouvait il être au courant!!!
Elle allait prendre l'ascenseur lorsque qu'une personne qui dévalait les escaliers la bouscula quelque peu, et sortit de l'immeuble rapidement sans même avoir prit la peine de s'excuser...Encore un de ces jeunes qui pensait surement que la vie est courte et que ce n'est que dans l'agitation et la sur excitation que l'on pouvait en profiter...
Instinctivement, elle haussa les épaules et entra dans l'ascenseur, appuya sur le 7ème étage...Soudain alors que l'ascenseur prenait sa vitesse de croisière pour grimper vers les hauteurs, elle se dit que décidément ce chiffre 7 la poursuivait...Elle n'avait plus que 7h à vivre lui avait on dit, son ami habitait au N° 7 et au 7ème étage...
L'ascenseur s ' arrêta un peu brutalement à l'étage désiré et elle en sortit , alors que le N°7 tournait encore en boucle dans sa tête...Elle n'eut pas besoin de sonner , son ami avait déjà ouvert la porte et il la tira à l'intérieur, ne lui laissant pas le temps de passer l'entrée convenablement...Il la regarda l' air interrogateur et affolé de quelqu'un qui vient d'apprendre une mauvaise nouvelle...Elle se dit que finalement elle n'avait jamais pensé qu'il aurait pu être autant attaché à sa personne...Elle avait peut-être mal analysé les sentiments qu'il pouvait ressentir envers elle!!!
Tout compte fait, réfléchit-elle si il trouvait l'antidote , elle avait peut être enfin rencontré le compagnon qu'elle avait tant désiré...Il fallait donc qu'elle lui raconta toute son histoire très vite et elle était en même temps impatiente de savoir comment il était déjà au courant...Elle s'apprêta donc à ouvrir la bouche, ses lèvres se mirent en mouvement et son cerveau commença à filtrer les informations à lui donner, lorsque sans avertir et de façon saccadé et nerveuse son ami lui fit le récit suivant:
« Je suis sorti ce matin , la tête m'a tourné et je me suis retrouvé à terre, quelqu'un m'a aidé à me relever , mais comme je n'étais pas très brillant sur mes jambes , ils m'ont fait entrer dans un laboratoire qui se trouvait à proximité et dont je connais le Médecin...Ils m'ont bien sur proposer d'appeler les pompiers mais ne ressentant pas de douleurs et ne m'étant pas évanoui , j'ai refusé et...Elle se demandait si elle n'était pas entrain d' halluciner et voulut parler lorsque ne la laissant pas s'exprimer il continua toujours sur le même rythme comme si finalement le temps lui était compté... »Mon ami me connaissant bien ,préféra me faire une prise de sang et me demanda d'attendre quelques instants...Il arriva ensuite le visage décomposé pour m'annoncer... » et là elle finit sa phrase le laissant la bouche ouverte... »Que tu a été victime d'un poison inconnu et qu'il ne te reste plus que sept heures à vivre... »
Il faillit tomber tant la surprise était énorme et à cet instant, profitant du fait que sa révélation l'avait laissé médusé, elle reprit la parole et lui raconta son histoire si étrangement identique...
Il semblait tétanisé, tout a coup comme paralysé, il ne se contentait plus de la regarder , mais il la fixait comme si elle n'était qu'un fantôme qui allait s'évanouir dans les airs, emportant avec lui l'heure douloureuse qu'il venait de vivre...Elle pensa que le choc de sa révélation avait provoqué chez lui une commotion cérébrale et elle se demanda si il n'allait pas faire un AVC, réduisant encore son temps de survie...Elle se dirigea vers la cuisine pour aller lui chercher un verre d'eau , lorsqu'elle entendit
« Mais comment est-ce possible? Qu'avons nous en commun pour qu'il nous arrive la même histoire au même moment ?»
Son phrasé avait repris un rythme beaucoup plus calme et ne se sentant plus tout seul dans l'adversité, il se dit que finalement il valait mieux être deux à réfléchir sur la façon de s'extraire de cet étrange condamnation, et le cas échéant lorsque l'heure fatale arriverait ,ils se sentiraient peut être moins seul..Elle revint vers le salon, le verre d'eau à la main, le porta à ses lèvres et bu avidement alors qu'il ramenait lentement la main qu'il avait tendu pensant qu'il lui était destiné...Eh bien toujours aussi égoïste pensa t-il? Cette chère amie ne changeait pas!!!
Un silence s 'était établi entre eux et tout à coup regardant leur montre en même temps , chacun entendit l'autre remarquer à voix haute
« Plus que six heures » !!!
« Mais vers où se diriger ? » dit - il...Elle laissa passer quelques secondes et proposa
« Nous devons nous souvenir de tout ce que nous avons fait ces derniers jours...Qui nous avons rencontré, même le plus petit indice peut être important...Aussi les derniers moments que nous avons passé ensemble...As-tu une feuille de papiers , des stylos, écrivons dans un premier temps tout ce qui nous passe par la tête, et puis nous comparerons peut être trouverons nous une piste... »
Il se leva, se dirigea vers le secrétaire , pris deux feuilles et deux stylos lui tendit l'une et l'autre et chacun s'isola dans une partie de la pièce...Ils ne relevaient la tête que pour réfléchir et la courbait de nouveau pour écrire...Ils ne se regardaient pas et l'on aurait pu penser qu' ils étaient seuls au monde, chacun sur son île , seul un océan d'angoisse les unissait, une échéance finale dont le terme se rapprochait de plus en plus...Ils terminèrent pratiquement en même temps, levèrent les yeux , se regardèrent et chacun se leva et se dirigea vers l'autre avec une extrême prudence, comme si il détenait entre les mains une bombe à retardement...
Ils s'approchèrent de la table et décidèrent d'un commun accord et sans se parler de placer les feuilles côte à côte de façon à comparer, chacun mettant son texte devant l'autre...ils tirèrent deux chaises car ils se sentaient tous deux extrêmement fatigués par l'effort de concentration qu'ils venaient de fournir...Aucun des deux ne parlait, il lisait le texte de l'autre et jetait en même temps un oeil sur sa propre liste cherchant l'indice qui pourrait les rapprocher et comprendre qui et pourquoi?Au moins savoir avant le moment final...
Et voilà ce qu'il lurent :
ELLE LUI
Tous les jours me lever...mon café
ma douche... Faire les courses
Me lever...boire mon thé...Prendre ma douche...Lire mon journal
Me poser des questions sur ma vie!
Je me suis occupée de mon petit fils trois fois.
Suis allé chercher ma petite fille deux fois à l'école.
Visité une exposition qui était nulle...
Suis allé sur le site de rencontre, j'y ai laissé deux messages...
Rencontrer des copines avec qui je suis allée marcher...
Aucune réponse...Où est mon élue???
Enfin je me suis traînée...
C'est fichu!!!
Suis allé à mon cours de théâtre...
Je ne devrais pas rester sur le site!
Suis allée à mon cours de yoga
Suis allé au bridge...Pas très en forme!!!
Ai été au cinéma deux fois...
Suis allé au Théâtre avec une amie du site...
Je t'ai vu , nous sommes allés boire un verre!
Nous avons bu un pot ensemble, toi et moi, pas la même chose...
Mais nous n'avons pas bu la même chose,
D'ailleurs je t'ai parlé de la lettre de Chantal,
Donc rien à espérer de ce côté là...
Tu l'as lu et tu m'as dit,
Si tu m'as montré la lettre de ton amie
d'aller la voir pour m'expliquer avec elle,
Chantal scientifique comme toi
Plutôt que de lui écrire,
Je ne l'ai pas encore fait,
Et qui déplorait votre séparation;
Je ne sais pas quoi lui dire...
Elle semblait très atteinte,
Lui expliquer que je cherche l'âme soeur...
Et tu ne savais pas quoi lui répondre!!!
Et que ce n 'est pas elle!!!
Je n'ai pas donner d'argent au SDF
Elle ne comprendra pas...
qui était sur le trottoir pas très loin de chez moi
Je regrette toutes ces aventures sans lendemains...
je le regrette...Il faisait froid
Cela ne m'a amené nulle part
J'aurai au moins du lui porter une couverture!
Pourquoi regretter maintenant?
Pourquoi regretter maintenant?
J'ai surement promis plus que ce que je ne pouvais donner...
Je me plains souvent alors que je ne vais
Suis-je seulement capable de donner?
finalement pas si mal …
Et toi
Pourquoi n'avons nous rien fait tous les deux!
Quelle place occupes tu dans ma vie?
J'en ai plus qu'assez de ce rôle de confidente.
Souvent je pense à toi...
Mon Dieu pourquoi moi???
Mon Dieu laissez moi vivre pour ELLE
Ils prirent le temps de lire, et même de relire, ils s'étaient enfin trouvés , mais ils n'en profiteraient pas...ils se regardèrent intensément , et soudain elle repensa à ce jeune infirmier qui l'avait piqué à l'hôpital, elle n'en avait pas parlé et lui se rappela tout à coup de ce jeune homme qui avait sonné tout à l'heure et lui avait donné un paquet...Il se dirigea vers l'entrée , il l'avait posé là sur la commode, mais son amie était arrivée juste après et il l' avait complètement oublié ...Il s'en saisit et expliqua à son amie , qui se souvint avoir été bousculée par un jeune homme, alors qu'elle attendait l'ascenseur...Elle repensait a leurs listes alors qu'il ouvrait le paquet qui contenait une fiole, accompagnée d'une lettre...Elle lui dit alors comprenant tout à coup, « Mais où donc se trouve la lettre de ton amie Chantal, vite va la chercher... »,
« Ce n'est plus la peine dit -il dans quelques instants si elle n'a pas menti nous serons libérés de cette funeste échéance »...Il porta la fiole à ses lèvres en but la moitié et la passa à son amie...
Et il lui lut le contenu de la lettre:
« Pardon ,mille fois pardon...Dès que tu recevras ce paquet bois la moitié de la fiole...Désespérée j'avais mis du poison sur ma dernière lettre car je voulais que tu disparaisses, tu es mon unique Amour et je ne pouvais me résoudre à ce que tu vive heureux avec une autre femme et cette amie dont tu me parlais souvent est sûrement la dame de coeur que tu attends, mais tu ne le sais pas encore...
J'ai été follement jalouse et j'en ai perdu la raison au point de vouloir attenter à vos vies...
Il faut qu'elle boive l'autre partie du liquide contenu dans la fiole, car n'étant pas sure qu'elle ait touché à la, lettre, je l'ai faites renverser par un cycliste aujourd'hui et après m'être assurée qu'elle était transportée à l'hôpital, je me suis déguisée en infirmier,(cela m'était facile, j'ai toujours eu l'aspect un peu masculin et avec mes cheveux courts je peux effectivement ressembler à un homme, la blouse blanche et ma voix rendue plus grave ont fait le reste) et je lui ai inoculé le poison...
J'espère seulement qu'elle n'aura pas touché à la lettre, il se pourrait que l'antidote ne soit pas assez puissant à ce moment là...Pourquoi le chiffre 7, il a toujours été ton chiffre, ensuite si tu t'en souviens nous nous sommes rencontrés un 7 juillet , donc deux fois 7 et nous avons fait l'Amour un dimanche 7...Deux fois 7 encore , et si je n'avais pas eu de remords, vous seriez décédés tous les deux , en 7H , un 7 AVRIL La boucle aurait été bouclée...Pour le poison qui était dans la lettre , il était prévu que l'effet ne s'en fasse sentir qu'aujourd'hui, afin que vous soyez tous deux morts au même moment...Tu vois j'ai toujours pensé que j'étais une meilleure scientifique que toi, ainsi j'ai pu grâce à de savants mélanges trouver cette formule extraordinaire qui permet de tuer quelqu'un avec un délai que l'on peut étendre sur quelques heures, voir quelques jours, mais je ne le divulguerais pas...Il serait idéal je sais pour l'euthanasie et permettrait au patient de décider du temps dont il a besoin pour dire au revoir à ses proches , mais il pourrait comme je viens de le faire, permettre à certaines personnes de donner la mort et d'en jouir, sachant le temps qu'il reste à l'autre, à vivre...La formule de ce maudit mélange partira en fumée avec moi....Va maintenant cours et délivres-la de son funeste poids...Si tu le peux ...Adieu... »
********************************
Ils étaient abasourdis...Comment tout cela était-il arrivé ? Que lui avait il dit ou promis pour qu'il lui vienne cette idée horrible de les tuer tous les deux...Enfin ils étaient délivrés, il fallait de toute urgence aller à l'hôpital refaire les analyses pour être sure qu'aucune traces de poison ne subsistaient dans leur sang...Pouvait il lui faire confiance, il avait été stupide de boire le contenu de la fiole, et de le faire boire à son amie...Avait elle dit la vérité?
Elle semblait ailleurs comme sur une autre planète, pourquoi Elle? Elle n'avait jamais eu de liaison avec son ami qui aurait pu faire penser qu'ils étaient fait l'un pour l'autre...Et si le soi disant contre poison ne faisait pas d'effet sur elle, elle se souvint avoir touché la lettre...
A t-elle ensuite approché ses doigts de sa bouche? Elle ne s'en souvenait malheureusement pas...Et si c'était elle qui était visée, si elle et elle seule devait mourir, elle regarda sa montre, plus que 2H trente sept minutes!!! Que de temps perdu, il fallait retourner à l'hôpital...Ainsi si lui était sauvé, elle ne serait plus un obstacle...Mais non elle était stupide, il n'accepterait jamais d'aimer cette assassin en puissance qu'était devenue Chantal et encore moins de faire sa vie avec elle après cette morbide expérience...
Ils se préparèrent donc et partirent ensemble...Dans l'ascenseur elle lui fit remarquer que finalement le chiffre 7 qu'il affectionnait tant, avait faillit lui porter malheur...Elle avait une forte envie de café et elle se dit que de toutes les façons même si elle arrivait sept minutes avant l'échéance fatale, ils ne possédaient pas d'antidote connu et donc son coeur s'arrêterait de battre dans deux heures et sept minutes...Elle lui fit part de ses réflexions et ils choisirent d'aller prendre ce fameux élixir d'énergie sur une terrasse au bord de mer et de rester quelques temps au soleil...Il leur fallait se poser et qu'ils arrivent enfin a se dire qu'ils s'aimaient et avaient occulté cet Amour , chacun ayant peur de décevoir l'autre...A leur âge il était tellement difficile d'accepter de partager , de comprendre que la vie n'était pas finie et qu'il y avait une réelle espérance d'Amour a venir..Leurs mains se rejoignirent et ils restèrent ainsi , attendant que le garçon prenne leur commande...
Ils semblaient avoir oublié leur incident morbide, ils se sentaient seuls au monde voguant sur un océan de joie, ils avaient de nouveau quinze ans,leurs yeux brillaient des mille feux de l'Amour...Le temps n'existait plus, elle se demanda soudain si elle mourait maintenant que ferait -il ???
Ils burent leur café doucement comme si c'était le dernier qu'ils partageaient, le humant , profitant de chaque gorgée...
En reposant sa tasse elle regarda machinalement sa montre plus qu'Une heure et sept minutes...Elle n'avait plus envie d'aller à l'hôpital, qu'importait , ils devaient profiter de cette heure comme si c'était la dernière...Ils payèrent leur consommation et décidèrent d'aller marcher sur la plage, elle voulait une dernière fois tremper ses pieds dans la mer, sentir l'eau lécher ses orteils, elle resta un bon moment au bord de la plage.
Il se tenait derrière elle , l'avait enlacé et tous deux regardaient l'horizon, ne pensant plus à rien , juste dans l'acceptation de cet amour qui se répandait sur eux , les enveloppant d'un halo bienfaisant...
Enfin ils étaient deux,
deux pour aimer,
deux pour marcher
dans la vie côte à côte...
Deux à rire, deux à sourire...
Deux dans la complicité
des matins tendres,
et des soirs de bonheur...
Deux dans le partage
d'une vie à deux...
Elle ne put s'empêcher de regarder sa montre, plus que Vingt sept minutes ...Elle le prit par la main et l'amena s'asseoir avec elle sur un rocher tout proche...Une idée folle venait de lui traverser l'esprit, elle hésita à lui en parler, mais après tout pourquoi ne pas la lui soumettre, elle ne savait comment formuler sa phrase, mais le temps était maintenant compté et il fallait se dépêcher... « Voilà ,dit elle je ne sais si je vivrais après l 'échéance fatale, toi certainement alors j'aurai tant aimé que l'on aille dans une église faire bénir notre Amour, elle n'osait pas dire union, puisqu'ils ne s'étaient pas encore vraiment unis...Je sais que j'ai du mal à croire aux hommes du culte quels qu'ils soient mais l'idée du sacré me donne envie de le faire et puis si IL existe vraiment peut être aura- t-il pitié de moi et me laissera t-IL enfin profiter de cette nouvelle vie à deux qui s'ouvre devant nous...Ils remontèrent donc sur la route du bord de mer et empruntèrent la traverse qui se trouvait à leur droite, une église se tenait à deux rues derrière et normalement elle restait ouverte toute la journée, un prêtre devait en principe être là, elle regarda sa montre, il ne lui restait plus que Dix sept minutes, il fallait faire vite...La grande porte n'était pas ouverte, mais celles sur le côté l'était, il la poussa et la laissa passer, elle avançait devant sondant l'obscurité pour voir si elle voyait le frère qui faisait partie de la paroisse, elle le vit soudain dans la pénombre qui sortait de la crypte, et elle alla donc à sa rencontre pour lui parler, se retourna pour voire si son ami l'avait suivi, mais elle ne le vit pas, elle pensa qu'il s'était peut être arrêté pour prier devant la statue de Sainte Rita, cela lui arrivait quelques fois, quand il avait des incertitudes sur des sujets bien précis, sujet sur lequel ils avaient déjà eu de longues conversations car elle ne comprenait pas qu'un scientifique comme lui n'ait pas de doutes, alors qu 'elle en était remplies...Arrivée devant l' homme du culte alors qu'elle ne savait pas si elle serait vivante passée les 7 minutes qu'il lui restait, elle se demanda tout à coup ce qu'elle faisait là. Une énorme angoisse la saisit, elle se retourna et se mit à courir, ne trouvant pas son ami à l'intérieur de l'église,elle descendit les escaliers si vite qu'elle faillit trébucher et les dévaler tous ensembles.
Lorsque arrivée sur le trottoir, elle se mit dans la tête de vouloir traverser et c'est là que déboulant de nulle part , un cycliste la percuta...
Elle avait du s'évanouir, elle percevait des voix assez lointaines, elle se dit que peut être elle était déjà morte et qu'elle n'avait même pas fait ses adieux à son ami...Mais les voix se firent plus présentes, et lentement elle eut l'impression de revenir à la vie, elle mit un certain temps lui sembla-t-il à redonner vie à son corps, elle ouvrit les yeux très lentement , c'est là quelle vit son ami qui était penché sur elle , il avait passé un bras sous sa tête et lui tenait une main , cherchant certainement à prendre le pouls . Il sourit en la voyant ouvrir les yeux, et lui dit « Tu m'as vraiment fait très peur...ton évanouissement n'a duré que 7 secondes , mais je crois que ça a été les 7 secondes les plus longues de ma vie » Elle le regarda et essaya de parler quelques sons inaudibles sortirent avant de pouvoir enfin s'exprimer distinctement... « Je ne suis donc pas morte, les 7 secondes sont passées , je suis sauvée »...
****************************
« Je ne comprends rien dit-il, pourquoi parles tu de 7 secondes , comment pouvais tu savoir que seulement 7 secondes se sont écoulées depuis ton évanouissement »,
mais elle continua
« Où étais tu? Je t'ai cherché dans l'église, et puis j'ai pris peur et je suis sortie en courant...Comment suis je tombée? »
Son Ami la regarda en se disant que finalement elle était sous le choc de son accident et que peut être , elle était plus touché qu'il n'en paraissait...
« Je n'ai été dans aucune église avec toi, nous avions rendez-vous lorsque tu as été renversée par le cycliste qui est là près de moi, et qui se fait beaucoup de soucis pour toi, je me suis précipité, j'étais de l'autre côté de la rue, ce que cela peut être long 7 secondes...j'ai cru te perdre et j'ai compris combien tu comptais pour moi...Te souviens tu au moins que nous devions aller chercher mon amie Chantal qui venait passer quelques jours chez moi ?»...
Elle ouvrit les lèvres pour parler , mais comment allait-elle lui raconter tout ce qu'elle avait vécu en seulement 7 secondes, impossible, il ne comprendrait rien et ces merveilleux moments de bonheur qu'ils avaient passés ensemble...Comment lui dire qu'elle redoutait la venue de Chantal, quand il lui dit...
« Crois tu pouvoir m'héberger chez toi les quelques jours où Chantal restera, car elle vient finalement avec son nouveau compagnon, et je préfère les laisser seuls »...
Un OUI énorme, grandiose, extraordinaire, monumental splendide, magnifique, dantesque sortit de sa gorge comme un bouchon de champagne, un feu d'artifice...
Autant de temps que tu veux 7 secondes...7 minutes...7 heures...7 Jours...7 ans...77 ans...Autant de jours, de mois, d'années qu'IL décidera de nous laisser nous aimer ici ou ailleurs...Au faites quel jour sommes nous un 7 Avril n'est ce pas!!!
Son ami la regarda d'un drôle d'air, « Mais non, ma Chérie , nous sommes le 8 avril, es tu sure de ne pas vouloir te faire examiner par un médecin tu m'inquiètes vraiment!!! »...
« Non, tout va pour le mieux maintenant...Allons donc chercher ton amie!!! »
ROUGE ARDENT
Par un beau matin du début de l'été, celui là même qui vous donne un ciel d'un bleu turquoise, un ciel limpide sans nuages, un vrai ciel de Provence, Mademoiselle Manière décida tout à coup de prolonger sa promenade jusqu'au Moulin de Daudet...L'air encore frais à cette heure matinale lui caressait le visage...Bien qu'il fut tôt et que le soleil ne soit pas encore dans sa phase la plus chaude, des odeurs de lavande et de pins lui chatouillaient les narines...Au loin les Alpilles semblaient la saluer. Rien n'avait changé pendant la nuit ou plutôt si, Mademoiselle Manière s' était levée ce matin là, dans un état qui côtoyait le bonheur...Tout semblait lui réussir, elle avait enfin eu la fameuse commande qu'elle attendait tant, et tout en marchant, elle pensait à la robe qu'elle créerait pour la jeune Comtesse de Fontvieille. Le bal des débutants était pour bientôt et elle savait pertinemment que si la robe était remarqué ce serait la consécration en tant que styliste et couturière...Elle rêvassait , les yeux au loin , dans un état qui frôlait la béatitude...Elle arriva au moulin l'esprit quasi amoureux en totale harmonie avec sa future création et le paysage ambiant. Le bleu du ciel révélait tout à coup à ses sens aux aguets la couleur du tissu qu'elle choisirait , mais il faudrait l'agrémenter de quelque chose d'inhabituel qui donnerait à la robe son style...Un petit quelque chose qui ferait toute la différence entre une robe de confection et la robe d'un grand couturier.
Le Moulin semblait désert ce matin là, ses ailes se dressaient vers le ciel , comme livré à lui même sans tout cet habituel brouhaha de touristes à la recherche d'Alphonse Daudet ou de l' extravagante chèvre d' un certain Monsieur Seguin...Aucun cris d'enfants émerveillés et les milliers de questions qui fusaient tout autour du moulin...Elle ressentait un calme inhabituel, pas de voitures, pas de car de touristes, pas de vacanciers cherchant à entendre les Trois messes basses ...Tout à coup, un bruit la fit sursauter et sa première réaction fut de se dire que c'était peut être Garrigou, ou Dom Balaguère qui revenaient hanter les lieux...Certains villageois disaient bien qu'à la nuit tombée, parfois on entendait des murmures, Dieu avait puni Dom Balaguère pour son péché de gourmandise à dire 300 messes basses et surement n'avait-il pas encore terminé!!!
De derrière le moulin , il lui sembla voire s'enfuir un adolescent , ce pouvait être Garrigou...
Non se dit-elle il fallait qu'elle cesse de penser que les personnages fictifs d'Alphonse Daudet, hantaient toujours le lieu...Le bruit était bien réel et l'allure de l'adolescent lui rappelait Ralphy, cet enfant , enfin plutôt ce jeune homme étrange qui terrorisait le village par ses larcins!!! Elle le connaissait bien et lui accordait souvent des circonstances atténuantes...Il faut dire qu'il avait été recueilli bon gré mal gré par un oncle, quand son père s'était retrouvé en prison pour vols mais surtout l'on racontait dans le village que sa femme, la mère de Ralphy était morte d'une drôle de façon, un peu après la naissance de l'enfant et que son mari n'avait pas été pas étranger à cette mort...Rien n'avait pu être prouvé et l'enfant s'était élevé comme il avait pu, souvent livré à lui même et surtout maintenant avec cet oncle qui ne parlait à personne, et qui aurait certainement bien vécu sans lui...Ralphy avait donc porté depuis l'enfance, le poids de ce triste destin et l'oncle, les rares fois où il lui adressait la parole ne manquait pas de lui rappeler qu'il était fils de voleur et que « Tel père, tel fils », il finirait bien comme lui...derrière les barreaux.
Mademoiselle Manière avait bien essayé de s'occuper du petit bonhomme, lorsqu'il n'était qu'un tout petit enfant et que dans ses yeux se lisait encore une indicible souffrance...Mais avec le temps, il était devenu sauvage et renfermé comme son oncle et souvent prêt à céder à la tentation d'emprunter aux uns et aux autres des objets où monnaies qui ne lui appartenaient pas!!!...
Notre Demoiselle inquiète contourna le moulin et chercha ce qui avait amené l'adolescent à visiter ces lieux à cette heure matinale...Tout à coup, son regard fut attiré par une plume rouge posée sur le rebord de l'escalier extérieur...Mais pas n'importe quelle plume...Elle était d'un rouge vif ardent formée de filaments qui semblaient légèrement argentés, sa tige couleur ivoire nacré brillait de mille feux...Elle était ébahie et certaine de n'avoir jamais rien vu d'aussi merveilleux. Pourtant il lui sembla bien que quelqu'un en avait parlé, devant elle il n'y avait pas si longtemps...
Elle réfléchissait et comme toujours en pareil cas, lui arrivaient en mémoire des images ou des odeurs qui pouvaient éventuellement lui rappeler la personne susceptible d'avoir parlé de l'objet en question...
Pour l'heure elle avait envie d'un bon café avec une tartine , et c'est cette image qui se superposa dans son esprit, il lui semblait d'ailleurs sentir l'odeur du pain encore chaud, cette odeur qui vous extirpe du lit, alors que le sommeil engourdit toujours vos paupières...Le réveil pouvait sonner cent fois, mais c'est ce mélange d' odeur de café et de pain, que préparait son père lorsqu'elle était enfant, et qui la faisait se lever...
Elle resta quelques instants pensive, et soudain la femme du boulanger vint effleurer son esprit. Mais oui,.voilà ! C'était bien elle qui lui avait parlé de cette plume rouge , elle y tenait d'ailleurs tellement , que son mari en en avait fait exécuter une réplique exacte par un Orfèvre d'Avignon...Elle avait appartenu à sa grand mère qui agrémentait ses robes de cette fameuse plume rouge, qu'un fiancé aimé et disparu lui avait ramené lors d'un long et fastidieux voyage dans les îles..
Et il y a deux jours cette plume qu'elle disait magique s'était volatilisée..
Mademoiselle Manière comprenant que la magie attribuée à la plume rouge en faisait un objet rare, se précipita donc pour la ramasser, mais le Mistral plus rapide qu'elle la souleva dans les airs et la plume s'envola laissant notre Demoiselle pantoise de voir ainsi l'objet de sa convoitise disparaître...
*************************
Perturbée , notre jeune Mademoiselle décida de rentrer au village...Elle rebroussa donc chemin et quitta le Moulin , non sans avoir regardé une dernière fois si elle retrouvait la plume rouge dans les airs ou posée sur un arbre ou un buisson.
Mais rien!!! Aucune couleur de ce rouge si spécial n'attirait son regard...Comment avait-elle pu ainsi disparaître? Se demanda t-elle...
Obnubilée par sa recherche, elle accrocha son pantalon à un buisson et se griffa la main, lorsqu'elle voulut le décrocher . Encore un accroc à réparer, ce qu'elle pouvait être maladroite, pensa t-elle, mais elle ne devait pas perdre son temps avec ce petit incident...Elle devait rendre visite séance tenante à la boulangère...Il était impératif que cette brave dame lui parle de cette extraordinaire plume rouge...Chemin faisant , et léchant instinctivement sa griffure, elle réfléchissait à la façon de lui présenter la chose. Elle arriva donc à la boulangerie essoufflée et toute rouge d'avoir autant pressé le pas...
Elle poussa donc la porte et lança un « Bonjour » à la cantonade...
Bonjour, répondirent dans un bel ensemble la boulangère et les quelques clients présents; de leurs accents chantants.
Mademoiselle Manière ne savait pas comment aborder la question qui lui brûlait les lèvres, elle réfléchissait donc en faisant les cent pas dans la boulangerie, attendant que tous les clients soient partis...
La première fournée du matin se trouvait sur les étagères, les baguettes dorées et légèrement farinées bien droites sur les rayonnages, semblaient prêtes à sauter dans les mains du premier venu. Soudain l'odeur des viennoiseries lui chatouilla les narines et entre autre celle des croissants cuivrés à point qui s'étalaient majestueux dans des panières, n'attendant que le moment de venir régaler notre promeneuse...Elle se dit qu'ils avaient beaucoup de chance au village d'avoir un boulanger aussi talentueux et qui n'hésitait pas à innover surprenant souvent les papilles de ses clients par des saveurs inconnus...
Depuis quelques temps d'ailleurs, le boulanger et sa femme avaient installé de petites tables rondes et des chaises permettant aux personnes qui le désiraient de consommer sur place...Mais aujourd'hui personne n'était assis, et notre Demoiselle décida de prendre un café et un croissant, ce qui lui donnerait une contenance pour pouvoir rester plus longtemps et discuter avec la boulangère le moment venu...Et puis cette grande marche lui avait ouvert l'appétit et elle se sentait prête à engloutir deux ou trois viennoiseries. Elle passa donc sa commande et s'assit bien aise d'être enfin devant un bon café qu'elle huma avant de le porter à ses lèvres, puis croqua avec appétit dans le croissant encore chaud , se vautrant sans aucuns remords dans la gourmandise...Il faut dire qu'elle en avait envie depuis un si long moment!!! Le mélange café-croissant l'amena comme toujours au bord de ses souvenirs d'enfant heureuse...
Les derniers clients partis, la conversation s'engagea le plus naturellement possible...
-Comment va votre mari aujourd'hui, demanda notre jeune demoiselle à la boulangère, s'est-il remis du vol que vous avez subi?
-Grand Dieu de quoi parlez vous donc? A part la plume rouge qui a disparu, et encore on ne peut accuser personne , ni parler de vol...Il lui est déjà arrivé quelques fois de disparaître et puis de revenir, je pense que ma grand-mère y est pour quelque chose...Il est vrai que mon mari ne croit pas à cette histoire et pense effectivement qu'elle a été volée.
-En fait, vous me dites que la plume rouge disparaît ainsi sans vous avertir? C'est bizarre comme de nos jours on porte crédit a ces histoires , comme si un objet pouvait être habité par une âme!!!
-Oui , je vous assure c'est à peu près cela , rétorqua la boulangère , légèrement énervée que cette jeune curieuse puisse mettre sa parole en doute,
-on voit bien que vous ne connaissiez pas ma grand mère ,elle est capable de tout !!! Et puis de toutes les façons, elle fait en sorte que la plume revienne toujours...si, si , si je vous le dis, rajouta t-elle,!!!faisant danser les syllabes avec son accent chantant...
-Et êtes vous sûre qu'il ne vous manque rien d'autre, insista Mademoiselle Manière, peut être ne vous êtes vous pas aperçu qu'un autre objet aura disparu, ou bien quelque argent ?
-En réfléchissant bien, je ne trouve plus ma bague de fiançailles, mais je pensais l'avoir mise dans un tiroir, elle ne m' allait plus très bien et j'attendais l'occasion d'aller en Avignon pour la déposer chez le bijoutier, et puis quelques billets ont disparu de la caisse, mais là encore, il me semblait bien les avoir donné à Léontine notre bonne pour faire les courses!!!
Notre Demoiselle pensa tout à coup que la boulangère était bien facile à berner car elle ne se souvenait pas de ce qu'elle faisait!!!
-Et vous n'avez donc pas porté plainte?
-Non bien entendu, car je ne me suis aperçue de la disparition de la bague et de l'argent, qu' après que la plume rouge soit sortie pour s'aérer ou retrouver grand-mère.
Mademoiselle Manière resta quelques minutes silencieuse , elle lui aurait bien dit qu'en fait elle s'était bien aérée, et même bien loin de la boulangerie et qu'aucune grand-mère ne semblait hanter le moulin d'Alphonse Daudet, qui en avait déjà bien assez avec Garrigou et Dom Balaguère, mais elle ne voulait pas mettre en cause l'adolescent...
-Qu'a t-elle donc votre plume d'aussi fabuleux? Demanda t-elle à la boulangère...-
-Vous pensez vraiment qu'elle est magique et qu'elle vole toute seule? Vous lisez trop de contes extraordinaires, il faut dire que Monsieur Daudet nous a mal habitué avec les lettres de mon Moulin...
-Mais non, répondit la boulangère cette plume a des pouvoirs spéciaux et ceux qui la porte sont sur d'être protégés...Mais bon peut être que cette fois ci nous avons été victime d'un vol...Elle réfléchit quelques secondes et reprit,
-Maintenant que j'y pense, l'autre jour j'étais descendu au fournil, chercher la dernière fournée de pain et en remontant votre petit protégé, comment s'appelle t-il déjà?
-Vous voulez parler de qui? elle resta silencieuse quelques secondes , pas de Ralphy j'espère?
-Oui, oui c'est cela, il était dans la boulangerie lorsque je suis remontée, et quand j'ai voulu le servir, il a disparu sans rien acheté...Il avait certainement déjà commis son larcin, je vais demander à mon mari d'aller déposer plainte à la gendarmerie...Ah bien voilà quand on parle du loup, il arrive...
-Monsieur le gendarme, vous tombez fort à propos. Nous avons été victime d'un vol, mon mari doit-il passer vous voir à la gendarmerie pour déposer plainte?
Mademoiselle Manière profita de cette arrivée inopinée pour sortir en se disant qu'il fallait quelle retrouve la plume avant la gendarmerie, car finalement si elle était bien magique, elle rendrait la robe bleue mille fois plus belle et donc par voie de conséquence, elle , Mademoiselle Manière, pourrait devenir célèbre et monter à Paris...Et voilà donc notre jeune demoiselle qui repartait dans ses rêves!!!
**************************
Absorbée par ses songes de grande couturière dans la Capitale, notre demoiselle ne se rendit pas compte qu'instinctivement ses pas la portaient vers le Moulin d'Alphonse Daudet alors qu'elle pensait rentrer chez elle...Prenant soudain conscience de la route qui se déroulait devant elle, elle se dit qu'il serait intéressant d'essayer de trouver Ralphy... Accepterait-il de parler? Pourquoi avait-t-il emprunté la plume rouge à la boulangère? Que comptait-il en faire? Toutes ces questions tournaient dans sa tête...
Il fallait qu'elle sache!!! Elle tourna donc à droite et partit en direction de la maison de l'oncle...Le chemin devenait caillouteux , et desservait deux ou trois maisons dont celle de l'oncle qui était tout au bout, et dont les murs lépreux se cachaient sous une végétation luxuriante qui avait envahie la façade...Bien avant l'heure et sans le vouloir, il avait été précurseur des murs végétaux, mais là c'était plutôt du domaine de la forêt vierge...
Elle avait entendu dire que l'adolescent avait pris ses quartiers dans un baraquement qui se trouvait au bout du terrain, ce qui avait sans doute finit de détériorer les relations entre l'oncle et le jeune homme. Comment se débrouillait-il, mangeait il à sa faim tous les jours? Personne ne voulait s'en mêler au village, même pas les services sociaux et les villageois encore bien moins qui n'avaient plus aucunes relations avec le vieux « Fada » et l'avait donc toujours laissé gérer le « minot », qui de toutes les façons était pour eux une graine de voyou...Ils se disaient bien qu'un jour ou l'autre, il partirait menotté entre deux gendarmes...Et dans tous les cas dès qu'un vol était commis , la tendance populaire accusait de suite l'enfant, qui avait pris l'habitude de voir arriver dès son plus jeune âge les gendarmes pour le questionner...Perdue dans ses pensées, Mademoiselle Manière se retrouva devant la grille rouillée . Il y avait bien longtemps que le portail ne fermait plus et laissait toute latitude à Ralphy d' entrer et sortir sans se faire entendre...Elle chercha des yeux une présence humaine ou animal sur le terrain, ne voyant personne, elle se dirigea vers le baraquement...Aucun bruit, elle frappa, pas de réponse, elle tourna la poignée ,la porte s'ouvrit lui faisant découvrir la désolation dans laquelle l'adolescent vivait...Un vieux lit en fer rouillé,sur le dessus ce qui avait du être il y a très longtemps un matelas, enfin, un duvet qui devait servir de drap et de couverture, s'étiolait sur le lit, et couronnait le tout. Des vêtements jetés sur un fauteuil d'un autre âge,à en juger par son imprimé . Contre la paroi un établi en vieux bois qui devait servir de table à tout faire, une boîte dans laquelle se trouvaient pêle-mêle crayons , tubes de gouaches , quelques pinceaux , des feuilles de dessin et un petit réchaud à gaz posé dans un coin accompagné d'une vieille casserole complétaient le tout...Elle s' approcha et son oeil fut caressé par ce qui semblait être une gravure, posée sur l'établi, elle regarda et resta bouche bée, une plume rouge, d'un rouge ardent se détachait, tout comme les légers filaments argents et l'ivoire nacré de la tige , cette peinture semblait si réelle qu'elle approcha sa main tout doucement de peur que de nouveau, la plume ne s'envola...
C'était bien une oeuvre peinte, tellement proche de la réalité que Mademoiselle Manière ne put s'empêcher de penser que peut être Ralphy si c'était lui l'auteur, avait des talents artistiques et si seulement il pouvait un jour les exprimer, sa misérable vie changerait. Mais pour l'heure obnubilée par la plume elle décida de partir, il fallait absolument qu'elle la retrouve avant que quelqu'un ne mette la main dessus. Elle allait quitter le baraquement quand elle revint sur ses pas , attrapa promptement la peinture qu'elle glissa dans sa veste et partit si vite qu'elle faillit tomber sur l'oncle qui rentrait en voiture. Elle se cacha derrière un arbre, attendit qu'il gara sa vieille citroën dans la remise et profita pour accélérer le pas et sortir telle une voleuse au plus vite de la propriété, car le chien qui était avec son maître ne tarderait pas à aboyer d'ici quelques secondes...Arrivée au bout du chemin, elle reprit essoufflée et pensive la route qui la conduisait vers le moulin...Elle était de plus en plus persuadée que la plume rouge était la pièce maîtresse qui donnerait à la robe ses lettres de Noblesse et l 'élèverait au rang des robes de Grand Couturier...Il la lui fallait!!!.
Elle devait retourner à l'endroit même où elle l'avait trouvée et continuer sa recherche, il était impossible qu'elle puisse disparaître ainsi...En arrivant au Moulin, elle trouva l'endroit aussi désert que le matin , elle jeta quand même un oeil derrière elle pour s'assurer que personne ne la suivait , et se murmura dans le creux de l' oreille qu'elle devenait légèrement paranoïaque...Elle traversa l'espace qui servait de parking et contourna le moulin...
Elle faillit hurler de peur! Ralphy appuyé contre un arbre , semblait faire corps avec lui tant il était immobile et silencieux...
Un moment elle pensa que la situation devenait dangereuse et qu'elle n'aurait pas du s'aventurer ici toute seule, l'adolescent bien plus grand qu'elle pouvait facilement la molester Mais sentant tout à coup la feuille de dessin contre sa poitrine , elle se dit qu'un être capable de peindre aussi bien ne pouvait être foncièrement mauvais...Elle s'approcha donc de lui, cachant ses angoisses et tentant de paraître la plus détendue possible...Il lui adressa un bonjour en avalant la moitié de ses mots...Il était donc lui aussi stressé se dit elle, il lui faudrait faire preuve de psychologie pour amener le jeune homme à se découvrir et à parler.
-Bonjour Ralphy que fais tu là de si bon matin?
-Euh!.pfff...en me promenant hier , j'ai perdu mon canif et je venais voire si je pouvais le retrouver
-Et de quelle couleur était-il demanda Mademoiselle Manière
-Ben, rouge strié de fils d'argent et une partie ivoire nacré
Notre Demoiselle resta un moment ahurie devant la description faite par l'adolescent et qui ressemblait en tout point aux couleurs de la plume, mais elle décida de rentrer dans son jeu pour voir jusqu'où il irait.
-Mais alors ce matin lorsque je suis venue en me promenant , c'est donc bien ton canif que j'ai vu et j'ai failli le ramasser , mais j'ai pensé qu'un si bel objet, la personne qui l'avait perdu ne manquerait pas de venir le rechercher...Et puis tout à l'heure en arrivant au Village, j'ai eu un doute lorsque j'ai entendu la boulangère dire au gendarme qu'elle avait subi un vol et qu'elle allait porter plainte...Je me suis dit qu'il valait mieux revenir chercher l'objet pour le rendre à sa propriétaire.
Dis moi Ralphy es tu sure que ce canif t'appartienne ?
-Ben...Euh...
Sentant son embarras, elle se dit que c'était le moment de le faire parler...
-Veux tu me dire ce qui c'est passé l'autre jour à la boulangerie, lorsque tu es entré et que tu t'es aperçu que la boulangère était en bas au fournil, en as tu profité pour passer la porte vitrée et visiter son appartement?
-Ben non:...J'ai rien fait, parole Mademoiselle. J'attendais qu'elle remonte pour prendre le pain de l'oncle, quand une grand mère que je n'avais jamais vu avant est sortie de derrière la porte vitrée et m'a fait signe de la suivre...Je me suis demandé qui elle était, mais elle semblait si sure d'elle, comme entouré d'un halo de lumière. Elle portait une robe , un peu ancienne comme étaient habillées les dames que l'on voit parfois sur les vieilles photos, et la robe était illuminée d'une plume rouge si belle que je n'arrivais plus à détacher mon regard...Elle m'a fixé et m'a dit que je ne devais pas avoir peur et que c'était ma maman qui l'envoyait...A ce moment là les yeux de l'enfant qu'il était redevenu, se remplir de larmes et sa voix devint inaudible...
Notre Demoiselle laissa passer du temps et se retint car elle pensait qu'il était maintenant trop grand, pour le prendre dans ses bras...
-Je ne comprends pas, que vient faire ta maman dans cette histoire, es-tu sur de bien avoir compris?
-Je ne peux rien dire, j'ai promis, il faut que je retrouve mon canif, la grand-mère ne me pardonnera jamais de l'avoir perdu...L'adolescent se retourna très vite et partit laissant notre Demoiselle hébétée et l'esprit confus ne sachant plus ce qu'elle faisait là et ce qu'elle devait chercher!!!
*****************************
Ralphy partit en courant sans se retourner, il fallait qu'il retrouve la grand mère, elle et elle seule pourrait lui dire pourquoi sa maman l'avait envoyé...Mais comment faire, peut être ne sortait-elle jamais de la boulangerie ? Peut être était elle séquestrée par le boulanger et sa femme? Il fallait qu'il en ait le coeur net ...Une seule solution retourner dans l'appartement derrière la porte vitrée, là où il l' avait rencontrée.
Comment y accéder?...Il ne pouvait y aller par la boulangerie car la boulangère crierait ça c'est sur« Au voleur » juste en le voyant et appellerait les gendarmes...Il réfléchit quelques secondes et se souvint qu'il lui semblait avoir vu une petite terrasse au 1er étage sur l'arrière de la boulangerie...Si il pouvait y accéder, il pourrait taper à la fenêtre pour que la grand mère lui ouvre. Fort de sa décision il pressa le pas pour arriver assez vite avant que le village ne se réveille complètement, et que la boulangerie soit prise d'assaut par les enfants qui ne manqueraient pas d'y faire une halte pour acheter quelques bonbons ou viennoiseries avant d'aller à l'école...Vite, vite pas de temps à perdre...Mais il ne voulait pas être vu aussi traversa t-il en regardant de toutes parts si il ne voyait pas un adulte ou un képi qui passait par là...Il contourna la bâtisse par la petite rue arrière et se trouva rapidement au pied de la terrasse...Une conduite d'eau usée qui semblait assez solide se trouvait là fort à propos, il prit appui sur un des cerclages, en voulant passer au deuxième qui l'amenait à hauteur de la rambarde, son pied glissa , il manqua de tomber dans le vide, se rattrapa de justesse...Son coeur se mit a battre très fort, mais avait-il seulement le temps de l'écouter ...Il se reprit donc et posant le pied sur le deuxième cerclage, il enjamba prestement la rambarde et alla se coller contre la fenêtre de façon à ne pas être vu de la route...Il attendit de reprendre son souffle et donna quelques coups discrets sur la vitre, surtout il n'était pas question d'ameuter la boulangère qui risquait de venir voir ce qu'il se passait...Pas de réponse, il commença à se faire du souci, et si la grand-mère ne l'entendait pas? Il donna de nouveau quelques petits coups, en pensant très fort à elle et là derrière la vitre, une lumière sembla bouger, comme par enchantement la fenêtre s'ouvrit, il s'engouffra et referma la porte fenêtre derrière lui en poussant un ouf de soulagement...Il se mit à chuchoter pour ne pas être entendu et s'excusa d'arriver ainsi mais il était disait-il très ennuyé...
-J'ai bien fait comme vous m'aviez dit, murmura t-il, j'ai parlé de canif et pas de plume rouge, d'ailleurs je n'y comprend rien car j'avais bien mis la plume dans ma poche et j'y ai retrouvé un canif....
-Ne t'en fais donc pas , c'est juste au cas où tu te fasse arrêter, on ne pourra pas dire que tu l'a prise puisqu'elle ne sera plus en ta possession, dis la grand-mère.
-Vous savez je ne voudrais pas que vous m'en vouliez, mais je n'y comprend pas grand chose , je suis revenu , pour que vous me racontiez pourquoi et comment vous connaissiez ma maman et si c'est bien elle qui vous a envoyé à moi...Il prononçait ce mot de « maman », avec une tendresse infini, et l'on sentait sa gorge se serrer , comme en manque d'air , juste asphyxié par tout cet amour qu'il n'avait jamais eu...
-D'abord dis moi toi ce qui t'inquiètes, ensuite nous parlerons de ta maman
-Ben, voilà tout à l'heure, je suis retourné au moulin de Daudet pour chercher la plume que j'avais été obligé de laisser, lorsque tôt ce matin, Mademoiselle Manière la couturière est arrivée...La plume,n'était plus sur l'escalier, mais avait bougé de place et semblait s'être mise à l'abri des regards...Elle n'était pas très loin, un oiseau à sifflé, j'ai levé la tête et là sur l'arbre derrière une feuille, une couleur rouge brillait de mille feux...Je me suis approché, l'ai prise dans le creux de ma main et promptement, l'ai glissé dans ma poche, car je venais de nouveau d'entendre un bruit. Eh bien j'ai vu encore surgir la Demoiselle...Je crois bien lui avoir fait peur...Je ne comprends pas pourquoi elle est revenue au Moulin, et quand je lui ai dit que j'avais perdu mon canif, elle a osé me répondre qu'elle l'avait vu ce matin et ne l'avait pas ramassé...c'est vraiment trop bizarre, je crois bien qu'elle ment...En plus elle a dit que les gendarmes me cherchaient...Vous savez Madame, je ne sais plus où j'en suis..Pourquoi les adultes ne disent pas ce qu'ils pensent en face et se sentent toujours obligés de mentir...Et puis en partant , j'ai mis ma main dans ma poche pour caresser la plume et j'y ai trouvé un canif!!!Vous êtes qui au juste une magicienne ou une sorcière , quoi que peut être c'est pareil...Tenez le voilà! Non j'y crois pas!!! La plume.!!!
Le garçon en disant cela affichait une telle surprise sur son visage que la grand mère sourit...
-Tu as raison cette jeune Demoiselle est entrain d'embrouiller nos cartes, je m'occuperai d'elle plus tard...Je ne sais pourquoi elle tient tant à récupérer la plume, mais je pense que ma petite fille la Boulangère a encore dû trop parler...Ecoutes mon cher enfant, mon histoire avec Marius, l'homme qui m 'a offert cette plume, a été une véritable histoire d'Amour...Nous nous aimions avec toute la fougue de notre jeunesse et nous voulions nous marier, mais mes parents n'étaient pas d'accord car il avait choisi ce métier de marin qui pour eux n'était pas un métier noble...J'avais donc prévu de m'enfuir avec lui à son prochain retour, aussi avant qu'il ne reprenne la mer nous nous sommes aimés comme des fous...Malheureusement il ne revint jamais car il périt dans une tempête, au cours de cet ultime voyage, il ne me resta de lui, que la plume et mon ventre qui s'arrondissait...Mes parents m'enfermèrent à la maison …
Le garçon commença à s'impatienter, il ne voulait pas que la boulangère arriva et le trouva dans l'appartement au dessus de la boulangerie...Il essaya de parler euh, s'il vous plaît...
Mais la Grand mère lui coupa la parole...
-Encore quelques instants , je finis mon récit, tu sais c'est très important pour toi, ensuite je disparaîtrais de ta vie...Saches que cette plume te revient de plein droit, et qu'elle est ton héritage, tu...
A ce moment là , la porte s'ouvrit à la volée et monsieur Lecomte le gendarme apparut ...Ralphy était pétrifié, et se mit à bégayer un bonjour, qui pouvait laissé penser qu'il était coupable de quelque larcin, ce que ne manquerait pas d'affirmer le gendarme...Il espérait seulement que la Grand Mère allait prendre sa défense...Mais il regarda autour de lui, elle avait purement et simplement disparu...
-Alors, je t'y prends cette fois ci sur le vif, lui dit-il en l'attrapant très fort par le bras...Tu risques gros, violation de domicile et vol...Allez vide tes poches...Le garçon s' exécuta et à moitié tremblant de peur, il enfouit sa main dans l'orifice et sortit, un crayon, un petit carnet de croquis, une pièce de 2€ qui devait servir à acheter le pain de l'oncle...et puis il hésitait n'osant même pas mettre la main dans la poche de son blouson...
-Allez dépêche toi lui dit le gendarme, on va pas y passer la matinée...Alors pensant sortir la plume ce qui l'aurait condamné, il sortit le canif!!!Il faillit pousser un ouf de soulagement et se retint...
Le gendarme le tira par le bras, lui fit descendre les escaliers et l'amena dans la boulangerie, où se trouvait la boulangère...
-Voilà notre drôle, dit le gendarme, il s'est introduit je ne sais comment chez vous...Aviez vous laissé la porte fenêtre de la terrasse ouverte? demanda t-il en s'adressant à la boulangère, car il n'y a pas eu effraction!!!
-Non, non je suis sure d'avoir fermé d'autant que j'ai toujours peur que le chat ne s'échappe, aussi je contrôle tous les matins avant de descendre...
Ralphy la regarda étonné, il n'avait pas vu de chat, ni cette fois-ci, ni la fois avant...Il avait presque envie de se pincer pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, ou plutôt était-il en train de faire un cauchemar comme cela lui arrivait...Sa tête allait exploser, il ne comprenait plus rien...
Alors réponds comment as tu fais pour t ' introduire sans forcer la porte et que comptais tu voler?
-Mais j'ai rien fait dis le garçon, je voulais juste revoir la grand mère, elle disait qu'elle avait quelque chose à me raconter sur ma maman, mais quand vous êtes entré elle a disparu...
-Ecoutes, ma patience a des limites, petit, si tu n'arrêtes pas de mentir, je t'amènes de suite à la gendarmerie et je t'y enferme et crois moi tu ne seras pas prêt d'en ressortir...
- Je vous dis que j'ai rien fait , regardez dans mon carnet de croquis je l'ai dessiné la grand-mère, elle vous le dira bien , Elle, dit il en montrant la boulangère , que c'est la sienne...
Le gendarme sortit le carnet qu'il avait glissé dans la poche de sa vareuse et l'ouvrit...Il le feuilleta rapidement découvrant des croquis de fleurs, d'objets, d'animaux et enfin le visage d'une vieille dame qu'il mit sous le nez de la boulangère!!! Celle ci fit un pas en arrière se cacha les yeux, le croquis était en tout point semblable a son aïeul...Elle balbutia, rougit, et son corps sembla émettre quelques tremblements même si elle se retenait.
-Eh bien ce croquis vu l'état dans lequel il vous met semble bien être celui de votre aïeul dit soudain, Monsieur Lecomte, vous avez sûrement des photos d'elle il en aura pris une et l'aura dessiné...
-Non dit elle en murmurant comme si elle se parlait à elle même. Impossible, elle n'a jamais voulu qu'on la prenne en photo, c'était presque phobique et donc nous n'en avions aucune, oui, c'est bien elle, avec cette expression du visage qu'elle avait quand une chose extraordinaire devait se produire, c'est incroyable!!! Je crois...
Elle laissa sa phrase en suspens, comme si elle avait peur de parler ou de révéler un secret de famille si bien caché!!!
*************************
La porte s'ouvrit à la volée, et entra Mademoiselle Manière ébouriffée, en nage, le souffle court, elle resta pétrifiée sur le pas de la porte s'apercevant soudain de la présence de la boulangère ce qui était pour le moins normal, mais ce qui l'était moins, la présence de Ralphy et surtout de Monsieur Lecomte , le gendarme maintenait toujours une main ferme sur l'épaule du garçon...Elle bégaya un bonjour haché, faible sans vraiment la co-notation de quelqu'un qui a une envie extraordinaire de souhaiter une belle journée aux personnes qu'elle rencontre, ni celle du bonjour de politesse, non c'était le bonjour inaudible d'une personne qui se demandait ce qu'elle faisait là et dans quel pétrin elle était allée se mettre, juste une envie de se faire la plus petite possible, ou de s'excuser et de rebrousser chemin...Mais cela était impossible, six yeux la fixaient attendant l'explication de sa présence, surtout dans l'état dans lequel elle se trouvait...
Elle cherchait en vain une excuse dans sa tête et soudain avisa le dessin...Elle s'en approcha , ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne sortit, comme si une main invisible arrêtait les mots, elle semblait déglutir les ravalant un par un , ils avaient surement du se décomposer car elle déglutissait de façon incroyable , ce qui fit penser à Ralphy qu'elle faisait une indigestion de lettres et qu'elle allait peut être se trouver mal...Tout a coup monsieur Lecomte avisant l'accroc au pantalon de Mademoiselle Manière la regarda l'oeil soupçonneux ...Ainsi donc c'était à elle pensa t - il ce petit morceau de tissu qu'il avait trouvé au Moulin ce matin ,alors qu'il était parti à la recherche de Ralphy...Mais qu'était elle allé y faire et que cherchait-elle? Il commençait à avoir l'esprit très embrouillé!!!
Reprenant son souffle et sentant le regard du gendarme, notre Demoiselle se mit enfin à parler
-Mais c'est extraordinaire balbutia t-elle, ce portrait c'est celui de la vieille dame que j'ai rencontré tout à l'heure au moulin, après que Ralphy se soit enfui...
-Je cherchais cela , dit-elle sortant tout à coup de dessous sa veste la peinture de la plume qu'elle avait trouvé ce matin dans le baraquement où survivait l'adolescent...
-Il l'a eu en main c'est évident pour avoir pu la peindre avec autant de ressemblance...Je le sais continua t-elle tout doucement comme si elle se parlait à elle même, je l'ai vu la plume, ce matin tôt lorsque je suis arrivée au Moulin, et quand j'ai voulu m'en approcher, Pfff envolée...
Le garçon la regarda , découvrant tout à coup la véritable personnalité de la Demoiselle
-Mais comment avez vous pu aller fouiller chez moi et dans mes affaires ? C'est incroyable , seule vous intéresse la plume, j'ai bien compris maintenant pourquoi vous êtes revenue au moulin ce matin, vous vouliez me la voler, c'est la grand mère qui me l'a donné disant qu'elle me revenait, à cause de ma maman, mais elle n'a pas pu me dire pourquoi...Monsieur le gendarme est arrivé et la grand mère a disparu!!!
Ses yeux se brouillèrent et des larmes commencèrent à couler sur ses joues; Il essayait en vain de les essuyer avec ses mains mais les traces laissées sur son visage , éclairées par les rayons du soleil qui passaient au travers de la vitre de la boulangerie lui donnaient l'air d'un misérable enfant dont le chagrin ne tarirait jamais...
-Non, mais dit Monsieur Lecomte, si vous continuez tous à me prendre pour un idiot avec vos histoires de revenante, vous allez tous passer la nuit au poste, ça vous rafraîchira les idées...Comme si il n'y en avait pas assez avec les revenants du moulin de Monsieur Daudet...Et puis vous dit-il à Mademoiselle Manière, vous avez accroché votre pantalon juste pour une plume, cessez donc de couvrir ce petit voyou et dites moi une bonne foi pour toutes ce qui vous intéressait tant au Moulin de Daudet...Il semblerait que vous faites la paire avec votre protégé, oui Mademoiselle parfaitement votre protégé, tout le monde sait dans le village que vous l'aimez bien!!!
-Ca alors m'aimer, mais j'en crois pas mes oreilles, si elle m'aimait comme vous le dites si bien , elle ne serait pas venue fouiller mon chez moi!!!
-Cet enfant est un véritable Artiste et il mérite que l'on s'intéresse à lui, rétorqua Mademoiselle Manière, et je vous interdis de le traiter de voyou, et puis j'en ai plus qu'assez de cette histoire...Madame Dumoulin dit elle à la boulangère, il serait temps de vous expliquer au sujet de cette plume et de votre fameuse grand-mère ? Qu'a t-elle donc à voir avec la maman de Ralphy et puis vous n'allez pas continuer à le laisser être accusé à tort, il serait temps que vous parliez...
Si vous ne parlez pas nous chercherons et nous finirons bien par trouver et là à mon avis il faudra que vous ayez un bon alibi...
-Allons Mademoiselle dit le gendarme, ne croyez vous pas que vous outrepassez vos droits...L'enquêteur jusqu'à preuve du contraire c'est moi, comment osez vous accuser notre boulangère qui est victime d'un vol , la seule personne pour le moment qui ne nous raconte pas des histoires à dormir debout...Parce que vous vous en racontez de belles, une plume qui disparaît, se transforme en canif, une grand-mère qui joue les revenantes, vous seriez me semble t-il parfaite pour écrire des contes, au lieu de coudre des robes!!!
A ce moment là un courant d'air fit s'ouvrir la porte de la boulangerie et une bourrasque de vent amena une plume rouge qui se mit a virevolter , et vint se poser sur l'épaule de Ralphy, comme si elle l'avait choisi , sous le regard incrédule du gendarme qui stupéfait ôta sa main de l'épaule du jeune homme , comme pour lui rendre sa dignité d'innocent...Un grand bruit les firent sursauter la boulangère venait de s' évanouir …
Tout le monde se précipita pour la relever, elle ouvrit les yeux, et semblant tout à coup se souvenir de la raison de son malaise, elle tenta tant bien que mal de se mettre debout aidée en cela par Mademoiselle Manière qui la soutenait...
Avisant Ralphy, elle le prit soudain dans ses bras et en larmes se mit à répéter comme un leitmotiv...Pardon...Pardon...Pardon...
Monsieur Lecomte le gendarme approcha une chaise pour qu'elle puisse s'asseoir et reprendre ses esprits et là une fois installée et cherchant ses mots, elle commença un récit pour le moins surprenant...
-Ma Grand-mère a eut une enfant naturelle suite à une nuit d'Amour avant que son fiancé avec qui elle comptait s'enfuir, ne périsse noyé un soir de tempête...A l'époque les parents de mon aïeul n'acceptèrent pas cette grossesse, aussi ma grand-mère fut envoyée chez une tante et dès que l'enfant naquit, il disparut et fut abandonné à l'assistance public...Quand elle revint chez ses parents, elle fut mariée très rapidement à un Armateur avec qui elle n'eut qu'une fille avant qu'il ne se pende de chagrin , car conscient qu'elle ne l'aimait pas...Cette petite fille était ma mère...Mais vous l'aurez compris le coeur de ma grand-mère était sec depuis qu'elle avait perdu celui qui fut son grand et unique Amour, et elle était incapable de donner ne serait ce que de l'affection à quiconque d'où cette phobie des photos et de la vie en général...Ma mère grandit tant bien que mal , rencontra un gentil garçon et je vins au monde dans une famille enfin reconstituée...Nous allions quelques fois voire la grand-mère, mais elle ne parlait jamais , comme murée dans son monde...
Là elle s'arrêta, se leva , prit les mains de Ralphy dans les siennes et ne s'adressa plus qu'à lui...Le garçon semblait pendu à ses lèvres avide de savoir enfin pourquoi la grand-mère lui avait offert la plume...
-Puis un jour ,continua t elle, nous vîmes arriver ma grand mère, méconnaissable racontant des histoires , ne s'arrêtant plus de parler presque volubile et surtout daignant enfin nous parler du fiancé à la plume...
-Et alors demanda Ralphy, qui suivait ce récit avec dans les yeux toute l'angoisse du monde,
-Eh bien, elle avait retrouvé, je ne sais comment trace de la petite fille qu'elle avait mis au monde, oui Ralphy, ta grand mère, mais elle a malheureusement périt de la dysenterie, comme cela arrivait souvent à cette époque...
Ma grand-mère nous dit cela avec des sanglots dans la voix et se reprit soudain finissant péniblement son récit...
Son enfant , cette fille fruit de son Amour, avait eut également une fille qui fut confiée elle aussi à l'assistance...Là la boulangère s'arrêta, respira profondément et regarda de nouveau Ralphy dans les yeux semblant implorer son pardon...
-Je n'y comprend plus rien dis le garçon, la grand-mère a du se tromper je ne peux pas être l'enfant de sa petite fille, parce qu'elle m'aurait recueilli à la mort de maman et elle ne l'a pas fait...
-Attends donc la suite , dit la boulangère, cette plume ne t'a pas choisi inopinément, elle t'a choisit parce que grand mère avait raison c'est bien a toi qu'elle revient...J'ai du mal à parler mais il faut que tu saches la suite, c'est important pour toi …
-Ta maman, puisque c'est bien d'elle qu'il s'agit, venait de se marier avec un homme qui semblait sans scrupules, enfin c'est ce que nous avait dit grand-mère, et si il apprenait que sa femme n'était plus orpheline comme il le pensait ne profiterait il pas de la situation ? Elle raconta donc toute cette drôle d'histoire à ma mère qui avait été privée toute sa vie de l'Amour d'une maman et qui succomba sur l'heure a une jalousie féroce, et ni mon père, ni moi qui allait sur mes 18 ans ne purent la ramener à la raison...Mais là ne s'arrêta pas l'inconscience de ton arrière grand mère qui demanda malheureusement à ma mère d'aller trouver sa nièce, ma cousine donc, enfin ta maman et de lui offrir la plume rouge,en souvenir de son grand-père car elle usée par une vie de frustration et de refus d'aimer n'en avait plus le courage...
-Mais pourquoi alors ma maman ne l'a jamais eu, la vie aurait été surement tellement différente dit le garçon les yeux plein de larmes...Elle ne serait peut être pas morte , murmura t-il comme se parlant à lui même...
-Ma mère est partie pour la voir, dis la boulangère, Ce qu'elle fit personne ne le sut...Ta maman ma cousine venait d'accoucher de toi et vous viviez misérablement chez l'oncle de ton père, faute de pouvoir avoir un logement bien à vous...Elle s'arrêta, elle semblait avoir du mal à parler, son souffle devint plus rauque et le gendarme se rapprocha d'elle pensant qu'elle allait encore s'évanouir, il lui tendit un verre d'eau qu'elle but avidement...
Puis elle reprit:
-Ma mère avait semble t-il décidé d'aller la voir , mais ne voulait en aucune façon lui donner la plume qui puisqu'elle était magique devait me revenir pensait-elle...
Quand elle rentra à la maison ce soir là, elle était taciturne , renfermée, ne voulant pas parler, le lendemain on trouva maman pendue dans sa chambre, et celle qui aurait du être ma cousine noyée dans le puits de la propriété de l'oncle, les médecins légistes conclurent à un accident, on pensa qu'elle avait du glisser sur la margelle et se noyer rapidement car seule à la propriété, personne n'avait pu la secourir. Ton père venant d'être arrêté pour un vol, ne fut pas inquiété et la thèse de l'accident fut retenu..Nul ne sut ce qui était arrivé, personne ne fit le lien avec maman qui au dire des médecins se serait pendue sous le coup d'une crise de folie , ce qui paraît -il arrivait souvent...Ma grand mère se murât de nouveau dans un silence total et elle s'éteignit de chagrin l'année suivante...
Peut-être a t-elle pensé que la plume rouge avait finit avec sa petite fille dans le puits , aussi n'en parla t-elle plus...
La boulangère hoquetait,elle lâcha les mains de Ralphy, le prit dans ses bras , le serra très fort et lui demanda encore pardon de ne pas l'avoir recueilli , mais disait elle si elle l'avait fait, les gens se seraient surement demandé pour qu'elle raison elle s'occupait de cet enfant et auraient pu finir par penser qu'il y avait un lien entre la mort de sa mère et celle de sa cousine...
Elle voulait rattraper le temps perdu et s'occuper de Ralphy, le moment de réparer était venu, une route s'ouvrait devant eux et ils devaient la saisir...
Mademoiselle Manière se demanda soudain ce qu'elle faisait là, elle ne pensait plus à la plume trop horrifiée par le destin tragique de cette famille...Elle n'arrivait même plus à se représenter la robe bleue en sa magique et funeste compagnie. Elle devait partir car elle s'était suffisamment mise en retard avec cette idée saugrenue...
Monsieur Leconte se dit que lui aussi n'avait plus rien à faire ici, la coupable de ce meurtre était morte, il ne pouvait donc l'arrêter même à titre posthume, aussi suivit il notre Demoiselle qui se dirigeait doucement vers la porte...Ils se retrouvèrent tous deux à l'extérieur et au moment de se saluer, ils aperçurent devant eux une grand-mère habillée comme on pouvait les voire sur les photos d'antan et qui partait d'un pas dansant, elle se retourna leur adressa un signe de la main et disparut ...laissant notre gendarme fort perplexe, encore une énigme de revenant qu'il ne résoudrait jamais!!!
LE VILLAGE OUBLIE
Il était une fois sur une montagne, un petit village où vivaient isolées huit personnes qui n'avaient pas choisi de vivre en autarcie complète , mais à qui cela avait été imposé par un mauvais coup du destin...La route qui menait à ce village avait subi un jour un bombardement pendant la dernière guerre et avait purement et simplement disparue, sans qu'il ne soit possible d'en créer une autre...Au début les villageois avaient pensé que c'était mieux ainsi et qu'ils se trouvaient de cette manière préservés de leurs ennemis et puis la guerre passée l'on viendrait bien les délivrer...Mais le temps s'étirant sans fin, ils avaient du se rendre à l'évidence « ON LES AVAIT BEL ET BIEN OUBLIES »...Le fils du ferronnier qui était là en permission quand la tragédie arriva, ne put repartir . Comme c'était somme toute un garçon calme , sensé et qui avait déjà vécu compte tenu de ses antécédents de soldat, les villageois décidèrent de le nommer Maire ou plutôt Chef du Village...Il avait bien pensé que dans la vallée le Maire de la petite ville qui s'y trouvait, partirait à leur recherche, mais il n'en fut rien...Pourtant cet homme là était connu comme étant un sage …Le Jeune homme avait entretenu auparavant d'excellentes relations avec lui, puisqu'il avait été son professeur de science...et qui plus est ami d'enfance de sa fille, une jolie jeune fille rousse aux yeux bleus dont il était depuis toujours amoureux , et qu'il comptait bien d'ailleurs « demander en mariage », la guerre finie...Emprisonné dans sa montagne, il pensait bien souvent à elle...Dans le fond de son cœur, elle était sa Princesse, son unique Amour...Comment ni le Maire, ni sa fille n'avaient ils pas tenté de venir les secourir ? Une énigme qu'il n'arrivait toujours pas à comprendre et encore moins à résoudre...Et qui souvent remplissait son âme d'une grande tristesse...
Il est vrai que non seulement la route était coupée, mais la montagne à la suite de ce bombardement s'était ouverte en deux laissant un énorme précipice plonger vers la vallée...Surement en bas avaient ils pensé que le village avait disparu et que personne n' avait survécu...
Et souvent il se demandait si elle l'avait attendu ou bien si elle avait cédé aux instances du fils du notaire qui ne manquait pas une occasion de lui rappeler qu'il la voulait, et qui n'hésitait pas à obliger son père à faire pression sur le Maire...
Il fallait qu'il parle avec son ami et beau frère le boulanger, dont il avait célébré le mariage avec sa propre sœur, il y avait déjà une petite année...Ces deux là s'aimaient depuis l'enfance, alors même prisonnier dans ce village ils se sentaient forts et indestructibles...
Ils venaient de mettre au monde un magnifique bébé dont tout naturellement il était devenu le parrain...Maintenant au nombre de neuf, il devait pour cet enfant trouver un moyen de sortir de cet isolement...
Il rencontra son ami à la boulangerie , et lui dit qu'il avait de plus en plus de doutes vis à vis du fils du Notaire , qui aurait peut être pu influencer le maire de la vallée pour l'obliger à penser qu'il étaient tous morts...
-Nous devons encore et encore revoir les plans de la montagne, il doit exister un passage, qui pourrait nous permettre de la contourner et de descendre sur l'autre vallée...
- Oui tu as certainement raison lui dit son ami, lorsque le village a été construit aux alentours du 14 ème siècle, nous ne sommes pas sur, que les premiers habitants soient arrivés par cette vallée et non par l'autre qui nous a toujours paru inaccessible, mais il a pu se passer un événement naturel qui a isolé le village de ce côté là...
Le jeune homme acquiesça …
-Nous devons chercher, pour ton fils d'abord, mais moi aussi je n'en peux plus, je dois retrouver Ma Princesse et lui dire que je suis vivant et que je l'aime toujours autant !!!
****************
Il était penché sur les papiers du cadastre du village pour étudier encore et encore, les chemins existants qui pourraient amener à l'autre vallée...Il devait absolument essayer de retrouver dans les archives des cartes d'époque qui indiqueraient un chemin possible, qui aurait disparu au fur et à mesure du temps , des fortes intempéries, de l'érosion des roches...ou d'un tremblement de terre.
Il était un peu las à ce moment là!!! Il devait tout mettre en œuvre pour sortir le village de son isolement...Oh bien sur ils ne manquaient de rien , quelques champs plats abrités des vents au flanc de la paroi Sud de la montagne, leur permettaient de faire certaines cultures entre le printemps et l'automne...Il fallait engranger avant l'hiver qui était assez rude...Quelques animaux dont des chèvres , des poules , deux coqs, des lapins deux vaches, un âne , deux cochons et surtout trois chiens qui veillaient sur cette colonie, véritable arche de Noé. Le boulanger faisait son pain tous les jours , ce n'était certes pas un bon pain blanc, juste doré que donnait la farine de blé, mais une farine fabriquée à base de châtaignes, un pain un peu brun, un peu plus lourd mais tellement bon...
Il rivalisait d'ingéniosité arrivant à leur donner viennoiseries et tartes au moins une a deux fois par semaine..Ce qui était un luxe pour les villageois. Son four servait aussi a cuire les plats cuisinés, et le feu était donc entretenu en permanence...Le père de notre Maire, ferronnier de son état avait construit un groupe électrogène qui leur donnait de l'électricité tous les soirs de 17h à 21h...Cette électricité à laquelle ils s'étaient bien habitués maintenant et dont ils n'arrivaient pas à se passer...A l'extinction des feux , les bougies qu'ils fabriquaient eux même avec de la cire d'abeille prenaient le relais...Ainsi ils pouvaient chauffer de l'eau pour se laver...et pour les taches ménagères...Et puis ils avaient remis à l'ordre du jour les vieilles cuisinières à bois qui leur servaient pour garder au chaud les aliments et pour se chauffer..Ils entretenaient la petite forêt de sapins qui se trouvait à l'entrée du village, protégeant les arbres du gel et replantant dès qu'ils le pouvaient les jeunes pousses...L'eau ne leur manquait pas car avant que le village ne fut coupé du monde une source très pure, qui sortait du flanc de la montagne attirait les touristes qui venaient y remplir leur gourdes, car disait-on , elle avait de grands bienfaits sur les os...De fait les quatre personnes plus anciennes du village, ne se plaignaient jamais de rhumatismes...Ils avaient construits une serre avec des lattes de bois ajourées autour du verger qui protégeaient les arbres du froid rude de l'hiver...Ils rivalisaient d'idées qui auraient fait pâlir les gens de la vallée, avec des matériaux trouvés dans la nature...L'hiver était un peu long , mais ils s'occupaient a réparer des meubles, des objets ou de la vaisselle et à en élaborer de nouveaux, qui correspondaient plus à leurs besoins...Il ne leur manquait donc pas grand chose..L'argent n'était pas un sujet de discorde puisqu'il ne leur servait à rien, pas de jalousie, pas de haine, ils avaient appris à vivre tel une communauté , dans un certain bonheur et une sérénité acceptée...Mais notre jeune homme était souvent mélancolique, il lui manquait sa muse de toujours , sa princesse pour être totalement heureux...
Depuis l'enfance, dès la première fois qu'ils s 'étaient vus, ils avaient à peine six ans, l'Amour les avaient envahis et ils avaient toujours su qu'ils étaient fait l'un pour l'autre...
Au bout de deux ans il se disait qu'elle avait peut-être dû être obligée de se marier avec le fils du Notaire...Il préférait ne pas y penser...Il fallait qu'il trouve un chemin qui le ramène dans la vallée...Ensuite il aviserait!!!
Il se replongea donc dans les archives du village qu'il avait pourtant déjà consultées maintes et maintes fois...Il déplia de nouveau une sorte de vieille carte comme un vieux parchemin et tout à coup son regard fut attiré par un trait léger qui semblait traverser l'autre versant de la montagne comme un passage secret...Une inscription quasi illisible se trouvait en bas de la feuille , mais il n'y avait jamais prêté attention ...C'était écrit en petites lettres et apparemment pas en français actuel...Il prit une loupe pour mieux y voir et alla chercher l' encyclopédie. Tout à coup, tout devint plus lumineux...Il sortit en courant pour aller en parler avec son ami le boulanger, tellement excité que ce dernier ne comprenait absolument rien à ses explications et ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'il put partager avec lui la découverte qu'il venait de faire …
*******************
Les deux amis décidèrent de n'en parler à personne pour ne pas donner aux autres villageois de faux espoirs...Le Jeune homme lui fit part de sa décision de partir en reconnaissance , mais il ne voulait pas que son ami l'accompagne, il était maintenant marié et père de famille et l'expédition pouvait se révéler fort dangereuse...
Il lui dit au revoir , et se dirigea en direction de la forêt. Parmi les villageois il y avait une grand-mère, que tout le monde craignait un peu...Elle vivait d'ailleurs retirée du village dans sa maison qui avait beaucoup plus l'aspect d'une cabane que d'une véritable habitation, mais jamais personne ne l'avait entendu se plaindre, elle parlait d'ailleurs très peu...Elle passait sa journée à crapahuter à droite et à gauche, pour ramasser toutes sortes d'herbes, qu'elle mélangeait de façon à obtenir des onguents dont chacun profitait lorsqu'ils étaient malades. Elle leur servait donc de médecin-guérisseur et fort heureusement qu'elle était là.
Certains pensaient qu'elle était quelque peu sorcière et donc la craignait...Notre Jeune homme, intrigué depuis l'enfance par sa dextérité à mélanger les herbes , s'était avec le temps lié d'amitié avec elle, il était bien le seul d'ailleurs. Orphelin de mère et de grands parents, il lui avait octroyé depuis toujours le nom de Grand-Mère, ce qui quelque part avait du la toucher assez profondément pour qu'elle accepte que l'enfant lui rendit visite et lui posa sans cesse des questions parfois dérangeantes sur les herbes et sur sa façon de vivre retirée du village...Mais elle l'avait adopté et elle se prêtait bien volontiers au jeu des questions et des réponses. Il décida donc d'aller la voir , pour qu'elle lui donne une crème au cas où il se fasse mal pendant son expédition et aussi parce qu'il pensait sincèrement qu'elle en savait plus qu'elle ne voulait le dire sur un hypothétique chemin qui descendrait sur l'autre vallée,mais sauvage comme elle était, elle jouissait de la situation, bien contente que les villageois d'en bas ne viennent plus lui poser sans cesse des questions pour lui voler son savoir...
-Bonjour,Grand-Mère , il faut que je te parles lui dit-il...Je suis épuisé de cette réclusion, je dois absolument découvrir une façon d'aller dans la vallée pour retrouver ma bien aimée, et je sais que tu peux m'aider. N'as tu jamais entendu parler d'un passage au travers de la montagne et qui amènerait à l'autre vallée?
-Mais que veux tu dire là mon garçon? Comment peux tu penser que je sois au courant d'un chemin qui aurait été emprunté il y a si longtemps par les habitants de ce village?
-Écoutes, Grand-Mère, je sais bien que même si tu en avais la plus petite idée, tu ne l'aurais pas dit, car avant que la route ne soit coupée, tu commençais à avoir des problèmes avec ceux d'en bas parce qu'ils voulaient t'obliger à leur donner tous tes secrets sur le mélange des herbes.
Mais maintenant cela fait presque deux ans que nous sommes prisonniers de la montagne, il faut que cela cesse, l'enfant qui vient de naître ne peut vivre en reclus au milieu de personnes âgées, il doit pouvoir rencontrer des enfants de son âge et il doit aller à l'école.
La grand-mère resta silencieuse, un long moment avant de lui dire enfin
-J'ai entendu parler par les anciens d'un passage secret dans la montagne pour aller dans l'autre vallée...J'ai cherché, et je n'ai jamais pu le trouver, mais peut être que mon âme n'est pas assez pure!!!
Il sortit alors le parchemin de sa poche et le lui tendit
-Regardes dit-il, tu vois ce petit trait il se pourrait que ce soit cela, et tu vois la petite inscription en bas « A vaillans cuers riens impossible », j'ai recherché dans l'encyclopédie qui est à la salle qui nous sert de bibliothèque et j'ai retrouvé la traduction « A cœur vaillant rien d'impossible », c'était la devise de Jacques Cuers, qui a vécu au 14ème siècle, et notre village date bien de ce siècle là. Je vais partir en expédition , aurais tu un onguent assez fort en cas de blessures importantes?
Elle se dirigea vers l'arrière de la cabane et revint avec une fiole en bois, qu'elle lui tendit, et un pot en étain .
-Quoi que tu ais bois ceci, ça endormira la douleur ou fera descendre la fièvre...Dans ce petit pot il y a un onguent pour les contractures musculaires , masses toi tous les soirs avec, pour être sur de repartir le lendemain...Ah oui, mets également quelques gouttes de ce liquide dans ta gourde, l'eau sera purifiée et ta soif sera mieux étanchée...Voilà un bon couteau je l'aiguise moi même, il ne te décevra pas, il peut être utile si tu rencontres des bêtes sauvages. N'oublies pas de me le ramener il a appartenu à ma Grand Mère qui m'a tout appris et j'y tiens...Penses aux victuailles , ton ami le boulanger doit te faire du pain qui ne durcira pas trop vite...Et voici,dit -elle en lui tendant un objet, portes le toujours dans ta poche et non dans ton sac, en cas de problèmes siffles, je l'entendrais...
Elle lui donna un sifflet en argent vieilli en forme de personnage , comme ceux que l'on donnait aux petits enfants pour les amuser, il le prit dans sa main et le serra très fort...
Il s'approcha de la grand-mère pour la remercier , mais comme toujours elle esquiva l'embrassade, néanmoins elle glissa furtivement sa main sur son épaule et le poussa avec une rudesse affectueuse hors de la cabane...
Il partit donc vers le village, se retourna une dernière fois, elle était sur le pas de la porte et le regardait s 'éloigner...Il savait que c'est cette image qu'il emmènerait avec lui, toute son affection elle la lui transmettait dans cette position éternelle des mères et des grand-mères qui s'inquiètent, jetant un dernier regard d'Amour protecteur , sur leur enfant qui part vers l'inconnu...
Le jeune homme décida de passer chez lui pour se munir de victuailles et d'un minimum de choses dont il avait besoin sans oublier tout ce que lui avait donné la grand-mère. Il s'assura que dans sa poche se trouvait le sifflet, il faillit l'essayer mais se souvint à temps qu'elle lui avait dit seulement en cas de danger. Il essaya d'éviter son père qui devait être au verger, il préférait lui laisser une petite lettre lui expliquant sa décision...Puis il passa à la boulangerie pour embrasser sa sœur et son ami, et amorça le chemin qui l'amenait vers la montagne...Il marchait d'un pas sûr et décidé , il était quelque part heureux d'avoir pris cette décision...Il sortit la carte et contrôla si il se dirigeait bien vers le flanc de la montagne indiqué sur le document...Il était très ancien et il fallait qu'il y fasse attention...Son estomac se rappela à lui, sortant la montre à gousset de son grand-père qui était dans sa poche, il s'aperçut qu'il marchait depuis plus de quatre heure , et avait déjà amorcé le chemin qui grimpait vers les sommets. Il devait se reposer et se restaurer pour ne pas mettre ses forces en difficultés...Il sortit de son sac à dos un pain, du fromage et des légumes sous forme de beignets que lui avait donné sa sœur...Il finit avec une pomme se souvint que la grand-mère lui avait confié une fiole dont il devait mettre quelques gouttes dans l'eau de sa gourde, ce qu'il fit...Il regarda de nouveau la carte et se leva pour repartir...Il trouva sur le chemin un vieux bâton , assez important, et se demanda qui avait bien pu le laisser là...Il commençait à sentir dans ses jambes, les efforts qu'il faisait pour grimper...Il fallait qu'il atteigne les grottes naturelles qui se trouvait dans la roche avant la nuit afin de pouvoir se reposer dans un lieu un peu abrité.
Malgré la fatigue, il accéléra le pas, l'obscurité allait l'envelopper assez vite et il devait être à l'abri avant, si il ne voulait pas dormir à la belle étoile, un peu fraîche quand même se dit-il, c'est à ce moment là qu' il entendit un bruit comme une plainte, il s'arrêta et écouta...Cela semblait venir de sa gauche, pas du tout dans la direction qu'il s'était fixé, mais il fallait qu'il en ait le cœur net...Peut être quelqu'un était il en péril? Idiot , pensa t-il, à part eux, les oubliés du village, il n'y avait personne dans cette montagne. Il s'assura qu'il avait bien le couteau dans sa poche et avança...La plainte se faisait plus précise , mais comme étouffée, il ne voyait rien , et comprit que cela venait de la partie du chemin qui inclinait fortement vers le vide,il s'allongea sur le sol et se pencha, en contrebas, il aperçut un orifice et constata que le gémissement venait de là...Qu'est ce que cela pouvait il bien être??? Il sortit deux cordes de son sac et commença à en attacher une à un rocher l'entourant de plusieurs tours croisés afin que cela tienne, et il s'attacha l'autre morceau autour de la taille...La deuxième, il l'a mit sur son épaule et commença à descendre en rappel très doucement pour ne pas trop forcer . Après quelques secondes qui lui parurent une éternité, il arriva devant le trou...Il sortit de sa poche la bougie qu'il avait préparé , l'alluma avec des allumettes que son père avait fabriqué et éclaira le lieu...Il vit une forme couché qui gémissait... Sur le moment il lui sembla que c'était une forme humaine, recouverte d'un manteau de poil, mais en y regardant mieux , et alors que la silhouette sentant sa présence tourna sa tête vers lui, il découvrit dans la pénombre des yeux qui le regardaient et qui semblaient être des yeux d'animal et plus précisément de loup...
Il faillit partir mais il ne pouvait laisser la bête ainsi, il tata le couteau dans sa poche, prêt à occire l'animal si il devenait vindicatif...
Il s'approcha doucement et comprit que la bête était malade , et n'avait aucune force pour attaquer...Le loup avait du glisser dans ce ravin, peut être déjà fatigué et n'avait plus été en état d 'en ressortir, il arrivait donc au bout de ses forces...Il prit la deuxième corde qu'il avait attaché dans son dos, et commença a ligoter la bête afin de pouvoir la tracter ...Puis il la déposa à l'entrée de la grotte avec difficultés car elle était très lourde, pris l'autre bout de corde qu'il s'attacha à la taille et attaqua l'ascension...Il remontait doucement prenant appui sur certaines roches en essayant de ne pas trop tirer sur la partie attachée au rocher...Il arriva doucement sur le chemin et se coucha sur le sol pour reprendre son souffle...Dès qu'il eut repris des forces, il s'appuya contre le rocher et tira sur la corde jusqu'à qu'elle n'ait plus de jeu et qu'il sente un poids au bout...Doucement il commença à remonter le corps de l'animal, qui ne geignait plus...Il avait mal aux bras , mais il devait tenir, il était presque au bout. Enfin la tête du loup apparut et le corps suivit...Il l'allongea délicatement sur une des couvertures qu'il avait amené et commença à défaire la corde qui l'enserrait, restant tout de même sur ses gardes au cas où l'animal retrouvait des forces et l'attaquait...Mais il ne bougeait pas, juste ses yeux dorés le regardait...Il pensa tout à coup à la fiole de la grand mère en cas de douleur ou de fièvre...Il l'a pris dans son sac à dos, ouvrit la gueule de la bête, y versa quelques gouttes, puis fit couler un peu d'eau sur son museau. Au bout de quelques secondes, il vit alors l'animal sortir la langue et se lécher les babines...Il se dit qu'il était en voie de guérison et qu'il pouvait partir, il l'enveloppa dans la couverture pour qu'il resta encore quelques temps au chaud...Remettant ses affaires en place dans le sac à dos , il le disposa sur ses épaules et s'apprêta à se diriger vers l'endroit où il était quand il avait entendu la plainte. A ce moment là, jetant un dernier coup d'œil au loup qui le fixait, il vit ce dernier lui offrir un regard doré, si plein de tendresse et si fort, qu'il ne serait pas prêt de l'oublier. Cette dernière vision le perturba, mais il l'accepta comme un cadeau et il se demanda si la bête s'en sortirait.
Il redescendit à l'endroit d'où il avait vu les grottes, mais la nuit était tombée et il ne distinguait plus grand chose; Il devait avancer à la bougie car si il y avait un loup , d'autres étaient peut-être dans les parages, et il valait mieux qu'il soit dans un endroit abrité dont il éclairerait d'un feu l'entrée, de façons à faire fuir d'éventuels intrus...
*******************
Il avançait doucement regardant les endroits où il mettait les pieds...Il fallait faire attention de ne pas glisser, de nuit la montagne devenait une traîtresse, et personne ne pourrait venir à son secours...Malgré la fatigue, il restait l'esprit en éveille attentif aux bruits qu'il pouvait entendre...Il pensait être à la moitié du trajet qui le menait vers la grotte, quand il décida de s 'arrêter et avança son bras de façon à tenir la bougie a bout portant pour mieux éclairer le flanc de la montagne et évaluer la distance à parcourir avant d'être à l'abri et pouvoir enfin se reposer...Il souffla quelques secondes et repris son ascension, jusqu'au moment où dans le halo de la flamme de la bougie , il aperçut, l'entrée sombre de la grotte. Un dernier effort, il fut devant , s'y engouffra et s'empressa de poser son sac à dos, ses épaules et ses jambes le faisaient un peu souffrir, il se masserait avec l'onguent avant de s'assoupir, pensa t-il...Il devait tout d'abord inspecter les lieux, pour ne pas avoir de mauvaises surprises...La grotte n'était pas bien grande, il en fit le tour armé d'une bougie qui éclairait de sa flamme chancelante les parois glacées de la roche...Il fera frais cette nuit se dit-il , il pensa qu'il avait bien fait d'amener deux couvertures militaires qui étaient dans son paquetage lorsqu'il s'était fait piégé au village et qu'il en était devenu prisonnier bien involontairement...Et soudain il se souvint du loup et de la couverture sur laquelle il l'avait étendu, bon il faudra se dit-il que je fasse un feu assez important pour me réchauffer...A ce moment là , la flamme faillit s'éteindre, il approcha la main de la paroi opposée à l'entrée et sentit un air glacé qui arrivait , mais impossible de déterminer d'où...Cela l'intrigua, mais nul passage dans la roche , il devait juste y avoir un léger écartement des pierres qui laissait s'infiltrer l'air qui arrivait surement des sommets...A terre le sol n'était pas trop rocailleux , mais assez plat, il pourrait donc s'allonger sans problèmes, il devait faire du feu, il avait ramasser sur le chemin avant d'attaquer la partie plus ardue de la montagne, du petit bois qu'il avait mis dans son sac. Il entreprit donc de faire un foyer à l'aide de deux grosses pierres qu'il trouva devant l'entrée de la grotte ...Il posa dessous des chardons secs qui lui serviraient à ce que le bois prenne , mis des brindilles par dessus et le bois plus important sur le dessus, il prit la bougie qu'il avait inséré entre deux pierres et présenta la flamme, les chardons s'enflammèrent très vite, il se mit a souffler dessus pour que le bois décide lui aussi de brûler , les flammes commencèrent à s'élever éclairant tout à coup la grotte d'une lumière dansante...Il commença par se réchauffer avant de penser à se restaurer...Il se dit que le gros bâton qui lui avait servi d'appui dans la montée allait également y passer, si il voulait que le feu tienne la nuit...Il réchauffa une soupe qu'il avait amené qu'il mangea avec une grosse tranche de pain et du fromage de chèvre...Il sentit bientôt les bienfaits de son frugal repas...Il décida de se masser , ce qu'il fit consciencieusement et le bien être appelant le bien être, il se souvint qu'il avait glissé dans son sac une petite fiole d'alcool de gentiane que son père fabriquait avec des racines de plantes vivaces, alcool dont il avait le secret et qu'il ne voulait partager avec personnes, pas même avec sa sœur...
Il arrangea de nouveau le feu et l'alcool aidant, il glissa dans un sommeil qu'on aurait pu qualifier de bienheureux si on ne connaissait pas la situation...Le gros bâton resta au sol sans qu'il n'eut le temps de le mettre dans les flammes...
C'est une odeur qui le réveilla, il jeta un œil au feu qui arrivant sur le petit matin s 'en était allé d'épuisement d'avoir tant brûlé...Comme une haleine fétide quasiment collé sur son nez...Le regard que la bête posait sur lui , le réveilla complètement et il essaya en vain de se souvenir où pouvait se trouver le couteau de grand-mère, doucement il tata dans sa poche et sentit sous ses doigts engourdis par le froid qui régnait dans la grotte et par le sommeil ,le sifflet...Délicatement ,il se mit à essayer de le faire remonter jusqu'à l'embouchure de la poche, quand il sentit le métal, il le prit dans sa main et très rapidement il roula sur le coté et se mit à souffler dans le sifflet comme un forcené, aucun sons ne sortaient, il se dit que sa dernière heure était arrivée et que si la bête l'attaquait il n'avait aucune chance de s'en sortir...Celle ci d'ailleurs surprise par son déplacement avait fait un saut de côté, mais le regard qu'elle lui portait laissait penser que l'estocade finale n'allait pas tarder à avoir lieu , quand tout à coup, alors qu'il pensait que sa vie s'arrêtait là , il vit à l'entrée de la grotte deux yeux dorés qui fixaient la bête qui commença à reculer , se plaqua contre la paroi , qui l'absorba comme par enchantement...Le loup le regarda , quelque chose pendait de sa gueule et il reconnut la couverture dans laquelle il l'avait enveloppé...
L'animal continua à le fixer comme si il avait quelque chose à lui dire, puis il ouvrit la gueule laissa tomber la couverture, et se dirigea vers l'extérieur..
Notre jeune-homme était sous le choc de ce qui venait de se passer , réagissant tout à coup, il bondit sur ses pieds sortit de la grotte de façon si brutale qu'il faillit être déstabilisé et disparaître dans le ravin en contre-bas qui lui tendait les bras...Ce fut comme une douche froide, il se dit qu'il fallait qu'il soit prudent, la montagne ne lui ferait aucun cadeau....Il voulu courir derrière le loup, mais celui-ci s'était comme volatilisé...
Il pénétra donc de nouveau dans la grotte , rangea ses affaires, prit un fruit en guise de petit déjeuner et alla contre la paroi pour essayer de comprendre comment la bête avait disparu...Il sentait effectivement cet air plus froid qui semblait arriver des sommets, mais aucune faille , rien ne laissait penser qu'il y avait un autre orifice à cet endroit...Il passa et repassa la main sur la pierre qui était glacée , mais rien...Il se mit à la tâter millimètre par millimètre cherchant un endroit qui permettrait en le touchant que la paroi s'ouvrit...
Mais toujours rien , juste cet air qui pouvait faire imaginer que!!! Tout à coup il se dit « comment n'y ais-je pas penser avant? Mais oui l'air venait du haut donc c'était en haut que se trouvait peut être la solution...Comment y accéder? Le plafond de la grotte se trouvait à 1m au dessus de lui , la main levée, il lui restait encore 50cm. Il lui fallait donc se surélever, pour pouvoir le toucher et passer sa main sur la roche...
Soudain il pensa au bâton, il pourrait le couper en deux et se constituer des échasses qui lui permettraient de se grandir de 50cm., voire un peu plus si il le pouvait pour ne pas fatiguer ses bras. Il se saisit donc du couteau qu'il avait cette fois-ci mis dans sa poche et commença à tailler le bois. La grand-Mère avait raison il était très aiguisé et parfait pour ce genre de travail...Le plus long était de le couper en deux, après les encoches seraient un jeu d'enfant et aussi de bien aplanir la base...Un des rochers semblait assez rugueux au toucher, il lui servirait donc de lime...Il se mit au travail, s'acharna et utilisa toutes ses forces pour scier le bois , ce qui lui prit trente bonnes minutes...Il ne lui restait plus que quelques millimètres , il allait prendre le risque de le casser d'un coup sec sur sa jambe pour ne pas l'effriter...L'opération s'avéra concluante, il lui fallait maintenant limer la base , puis il pratiqua a quelques centimètres du haut, une encoche assez importante pour pouvoir y positionner son talon, ensuite il fallait attacher le mollet au bois pour ne pas glisser, un morceau de corde ferait l'affaire...Bien entendu l'idéal aurait été de mettre une petite planche pour que son pied soit mieux calé, il serait en position instable, il le savait et il ne fallait pas que le bois fragilisé casse...Il avait bien entendu oublié l'encoche arrière nécessaire à retenir la corde , il s'attela donc à cette dernière tâche, puis il s'assit à terre quelques minutes le temps de réfléchir.
Machinalement, il toucha le sol et s'aperçut qu'il était assez friable et pas du tout dur comme le rocher...
Là était la solution, creuser des petits trous pas trop rapprochés, pas trop éloignés dans lesquels il pourrait enfoncer l'échasse qui serait ainsi mieux maintenue...Mais ils devaient être assez nombreux pour qu'il puisse se déplacer...Il reprit donc le couteau et une cuillère en bois qu'il avait amené dans son sac à dos et se mit a creuser...Ils ne devaient ne pas être trop profonds car il risquait de fait de perdre de la hauteur...mais aussi de l'équilibre...
Ce travail lui prit deux bonnes heures, il travaillait avec délicatesse pour ne pas fragiliser la cuillère...Son estomac se rappela à lui, la matinée avait filé très vite, trop vite, il devait se dépêcher si il ne voulait pas passer une deuxième nuit dans la grotte et risquer de se retrouver de nouveau nez à nez avec la bête, il savait que le loup ne viendrait pas une deuxième fois le sauver. Ils étaient maintenant quittes , surtout que la bête pouvait ne pas revenir seule...Il prit dans son sac un morceau de pain et de fromage et le dévora s'apercevant ainsi qu'il n'avait pas mangé grand chose depuis le matin...Il bu et se dit qu'il aurait bien pris une boisson chaude , mais il était maintenant dans l'impossibilité de faire du feu...Il devait trouver une solution et ne voulait pas redescendre bredouille au village, il savait bien qu'il ne s'en remettrait pas...
Il s'assit donc à même le sol et commença à mettre ses échasses...Il en mis une et se releva, s'appuya contre une paroi et doucement mis l'autre...Il était en position très instable et devait se déplacer très doucement pour ne pas les casser et surtout se faire mal...Appuyé contre la paroi sa main effleurait le plafond de la grotte sans trop de difficultés, il s'habitua à rester en équilibre avant de se décider à bouger, ceci lui prit un bon moment. Il lui arrivait parfois de se servir d'échasses dans le verger pour soigner les arbres ou cueillir les fruits trop hauts, mais elles étaient certes moins fragilisées...Il devait se maintenir suffisamment en arrière pour ne pas que son talon glisse et sorte de l'encoche, et puis lorsqu'il quitterait la paroi il lui fallait absolument trouvé son équilibre...Enfin il se sentit prêt , fit quelques pas dans la grotte et décida de commencer ses investigations...Les trous n 'étaient pas trop profonds juste ce qu'il fallait pour que l'échasse ne glisse pas sur le sol, et qu'il se sente maintenu tout en ayant un peu de jeu, ce qui lui permettait de s'équilibrer par un léger balancement...Il commença par ne pas trop s'éloigner de la paroi, afin de pouvoir y aller chercher un appui si besoin était. Il se cala donc dans un premier trou et mis la seconde échasse dans un trou pas trop éloigné, il contrôla son équilibre et éleva son bras, afin de mettre sa main au contact du plafond de la grotte et minutieusement, il la passa, appuyant par endroit sur la roche...Il était évident qu'il sentait un appel d'air mais aucun interstice visible. Il continua cela pendant presque une heure, le plus dure était de changer de trou à chaque fois, manquant souvent de perdre un équilibre déjà des plus instable. Il commençait à avoir mal au bras , aux épaules ainsi qu'aux jambes, il pensa qu'il était stupide, qu'il avait peut être rêvé de la bête et qu'il était entrain de perdre beaucoup trop de temps...
Il allait abandonner quand il sentit sous sa main une aspérité différente, il se cala bien , retint sa respiration et chercha comment faire bouger la roche, il passait, repassait sa main doucement au millimètre près , appuyant avec ses doigts sur toutes les parties de la pierre, quand tout à coup un pan de paroi s'ouvrit l'appel d'air fut tellement violent qu'il perdit l'équilibre , une échasse se cassa et il se retrouva à terre , plus de peur que de mal, mais se dit-il la paroi risque de se refermer d'un moment à l'autre, il enleva donc l'échasse encore en bon état , et la mit en travers du passage qu'il venait de découvrir...Puis il défit la corde de l'échasse cassée et libéra son mollet. Il alla chercher les pierres qui lui avaient servi à faire le feu, les posa au sol, devant l'ouverture, ensuite il sortit devant la grotte, le jour déclinait, il fallait qu'il fasse vite!!! Il trouva des grosses pierres qu'il fit rouler jusque devant le passage , il procéda ainsi jusqu'à ce que le sol devant la paroi ouverte soit rempli de pierres à mi-hauteur et fasse comme un barrage...Il prenait des risques mais il n'avait pas le choix, il ramassa ses affaires, contrôla que le couteau était bien dans sa poche, escalada le muret de pierres qu'il avait fabriqué et passa de l'autre côté...
Le jeune homme se réceptionna, sur l'autre partie du muret et essaya d' habituer ses yeux à l'obscurité, une fois son sac déposé à terre, il chercha une bougie afin d'éclairer ce nouveau lieu, il avait l'impression d'être entré dans l'antre de la montagne , et n'était pas très rassuré...La flamme éclaira une grotte qui semblait nettement plus accueillante que la première , on aurait pu penser que quelqu'un y avait survécu...Dans un coin un foyer fabriqué avec des pierres attendait une flambée. De fait un petit tas de bois était là tout prêt à être allumé...Le jeune homme en resta interloqué...Il toucha le bois, il n'était pas vert, mais très sec il semblait être là depuis pas mal de temps...Ajoutant une certaine anxiété à cet état interrogatif dans lequel il se sentait. Il se dit qu'il ferait mieux de faire du feu, déjà pour se réchauffer, mais aussi parce que les flammes éclaireraient cet antre dans laquelle il se trouvait...Il s'affaira donc autour de l'âtre, il lui restait quelques chardons qui permirent au feu de mieux s'embraser...Les lueurs commencèrent à lécher les parois et là il faillit se trouver mal, tant il ne comprenait plus rien...Dans la roche, était creusé un fauteuil , qui lui tendait les bras, sur la paroi opposée un espace en forme de banc mais qui devait servir de couche était taillé dans la pierre assez en hauteur, comme si on voulait éviter à quelques animal que ce fut qui entra dans la grotte, de pouvoir s'attaquer à lui...Des encoches avaient été creusées sur la paroi qui permettait d'accéder à l'espace repos...Des étagères également taillées dans la roche, ne demandaient qu'a s'occuper de ses affaires..Il était évident que quelqu'un avait vécu ici...Mais qui, à quelle époque, et pourquoi? Il entendit un petit ruissellement , il chercha autour de lui et sentit avec ses doigts plutôt qu'il ne vit un léger filet d'eau qui sortait de la roche, et qu'elle ne fut pas son étonnement de s'apercevoir qu'elle était chaude et qu'une espèce de cuvette était creusée dessous avec un écoulement qui partait dans les entrailles de la montagne. Sa première idée fut qu'il pourrait se laver et il s'en sentit soudain fort aise...Enfin et il ne l'avait pas vu de suite , un tunnel qui se situait en contre-bas d'une paroi s'ouvrait sur ce refuge...Il approcha la bougie du trou, la flamme vacilla comme si un appel d'air important ne lui permettait plus de brûler...Il regarda et évalua le diamètre, il se dit qu'il pourrait en rampant aller voir ce qui se passait au bout...Mais tout d'abord il lui fallait se restaurer, faire une toilette et surtout se reposer...Il devait rester prudent pour la nuit, il avait assez de bois pour se chauffer jusqu'au matin, mais il lui fallait une arme pour se défendre si la bête revenait, certes il avait le couteau, mais ce n'était pas suffisant...Il se souvint de l'échasse qui n'avait pas été cassée et se dit qu'en taillant le bout en forme de pointe il en ferait une lance qui pourrait certainement lui sauver la vie en cas d'attaque de la bête...Il prit donc son couteau, se cala dans le siège qui était incrusté dans la roche et se mit a fabriquer une flèche en bois dont la pointe pouvait transpercer quiconque s'approcherait de lui...Ensuite,il s'installa pour dîner, fit chauffer de l'eau dans un pot en fer qu'il avait amené et sortit le pain , le fromage de chèvre, quelques légumes et un fruit...
Il avait prit avec lui des herbes dont la grand-Mère lui avait dit qu'elles le relaxerait en cas de journée difficile, il attendit que l'eau se mit à évoquer un frémissement et il en jeta une poignée afin qu'elles infusent...
Tout en mangeant, il réfléchissait à la situation, finalement il avait eu beaucoup de chance de trouver apparemment le tunnel dont la représentation cartographique pouvait être le trait sur la carte...Enfin il espérait que ce fut celui-ci...Il ne comprenait pas qui avait pu vivre dans cette grotte au point de s'y installer de façon aussi confortable...Il finit son fruit et se mit a boire sa tisane , les bienfaits se firent sentir rapidement, il décida de se débarbouiller très vite et d'aller se reposer...L'eau chaude lui fit un bien fou et il se sentait enfin redevenir un être humain après toutes ces péripéties. Il rangea son sac et les affaires qu'il avait sorti sur les étagères, pris son couteau, le sifflet, la lance et les deux couvertures, non sans avoir au préalable remis du bois sur le feu pour la nuit, et il attaqua l'ascension qui le menait à sa couche...
Elle était un peu poussiéreuse, il décida de plier la couverture que lui avait ramené le loup qui amollirait un peu la dureté de la pierre, et de se couvrir avec l'autre...Il s'assura que le couteau était bien dans sa poche , et cala contre le mur la flèche qu'il avait fabriqué, puis sombra très vite dans les bras de Morphée.
Sa nuit fut quelques peu agitée, il faillit plusieurs fois tomber rêvant qu'il se battait avec la bête...Il sentit deux ou trois fois quelque chose frôler sa tête, mais en plein combat avec la bête dans son cauchemar, il avait simplement pensé que ces frôlement n'étaient pas réels. Vers le matin complètement réveillé il s'aperçut que des chauves-souris passait et repassait au dessus de sa tête, cherchant vraisemblablement à rentrer en contact avec lui...Il n'avait pas du les voir car dans la journée elles devaient se confondre avec la couleur de la roche...Il était évident qu'elles étaient maîtres de ce domaine et qu'elles n'acceptaient apparemment pas son intrusion....Peut -être avait-il dérangé leur hibernation, il fallait donc qu'il redescende rapidement avant qu'il ne se fasse mordre...Doucement en s'aidant des encoches qui se trouvait dans la roche il redescendit sur le sol, ranima le feu et se fit chauffer de l'eau , un café enfin ce qui faisait office de café au village, grâce aux cultures de pissenlit ou de chicorée, qu'élaboraient son père , ne lui ferait pas de mal, en l' occurrence il avait amené de la chicoré préparée par sa sœur et il laissa infuser la poudre qu'elle lui avait donné juste avant le départ... Le chaud lui fit beaucoup de bien, il ajouta à ce petit déjeuner une tranche de pain et se sentit soudain beaucoup mieux...Les chauve souris qui avaient récupéré leur domaine s'était calmées. Il décida de se laver si l'eau était toujours aussi chaude et de retailler légèrement sa barbe...Une journée longue et aventureuse l'attendait, il devait s'introduire dans le boyau afin de savoir où il l'amenait...Il devrait peut être ramper pendant des heures, il ne devait donc pas trop se charger . Il ne prendrait que très peu de choses et surtout il devait laisser son sac à dos qui pouvait le retarder par son poids...Il se dit qu'il reviendrait le chercher si enfin le tunnel ressortait sur l'autre flanc de la montagne à l'air libre. Il se souvint qu'il avait pris une petite besace dont son père se servait avant quand il allait à la chasse...Il y mit les produits que la grand mère lui avait donné, bougies et allumettes, quelques victuailles...et sa gourde indispensable...
Il l'avait remplie avec l'eau chaude en se disant que de toutes les façons elle refroidirait bien, il faudra qu'il n'oublie pas d'y mettre quelques gouttes de la potion magique ...Surtout pour désinfecter l'eau , on ne savait jamais et ensuite pour étancher la soif avait dit la grand-mère...Une fois le rangement de ses affaires effectué , son sac à dos bien fermé à cause des chauve souris, il allait partir quand il pensa qu'il serait préférable qu'il s'entoure dans une couverture qui lui servirait de protection, puisqu'à priori il devrait ramper et il ne savait pas pour combien de temps...Il reprit son sac à dos, en sortit une couverture et le remit en place...Il s'enroula dans celle-ci en partant des aisselles et l'attacha avec un morceau de corde...Il était fin prêt...Il s'engagea dans le tunnel et commença a avancer avec une certaine angoisse n'ayant pas résolu la disparition de la bête.
Dés qu'il se trouva en position allongée, il commença à avancer jusqu'à ce que le boyau devint complètement obscur, il décida donc d'allumer la bougie et tenta de ramper la tenant d'une main, il se sentait engoncé dans la couverture mais il se dit qu'il avait bien fait car elle le protégeait quand même de la rugosité de la roche...Il s'arrêtait pour regarder autour de lui, conscient qu'il devait aller doucement et être très prudent. La besace lui pesait un peu mais il savait que les éléments de survie qu'il avait amené lui serait certainement nécessaires. Il sentit un filet d'air arriver jusqu'à lui, mal gré cela il avait beaucoup de mal à respirer, soudain quelque chose lui frôla le côté, il eut si peur qu'il lâcha la bougie qui s'éteint...Le souffle court , il se retourna, se mit sur le dos , la besace le gênait, il chercha dans sa poche et en extirpa les allumettes, a tâtons il tenta de retrouver la bougie quand une langue râpeuse se trouva au contact de sa main , il s'agita dans tous les sens pour faire fuir l'animal, repensant instinctivement à la bête, ramena la bougie à lui et alluma la mèche...Collé contre la paroi se trouvait un chaton terrorisé qui n'arrivait même pas à miauler tant il était apeuré, il avança la main doucement pour ne pas le faire fuir et se mit à le caresser , puis il le prit contre lui jusqu'à' à ce qu'il sentit un ronronnement, il sut alors qu'il était enfin apaisé, et se demanda ce qu'il allait en faire, n'ayant pas le cœur à le laisser là tout seul...Il pensa le mettre dans la besace, en faisant bien attention de laisser sortir sa tête, mais il faudrait dans chaque mouvement de reptation qu'il effectuerait qu'il n'oublie pas qu'il avait maintenant un petit être vivant à protéger...Enfin si le chaton était là peut être que la sortie du tunnel n'était plus très loin...Il continua ses mouvements ondulants, ses bras lui faisaient mal et ses genoux aussi, le chaton qui se trouvait maintenant en sécurité ronronnait lui donnant finalement de l'énergie...Il s'arrêta quelques secondes , la bougie vacilla et un souffle d'air frais lui balaya le visage, soudain sa tête qui était le premier élément de son corps faillit pendre dans le vide et l'entraîner en totalité. Le tunnel arrivait a un mètre d'une autre grotte d'où s'infiltrait un air assez frais qui ne pouvait venir que de l'extérieur...Il se demandait soudain comment il allait faire pour sauter sans se casser une vertèbre, il prit délicatement le chaton le posa sur le rebord du tunnel puis enleva sa besace qu'il jeta au sol et se mit sur le dos...Il réfléchissait , à la façon de se retourner afin de présenter ses pieds ce qui serait plus pratique pour se laisser glisser sur le sol de la grotte...Le chaton comme si il voulait lui montrer le chemin sauta dans le vide et se réceptionna sur ses pattes...Il se mit à miauler comme pour lui dire « Que fais tu? »...Il se contorsionna donc avec mille difficultés, en faisant attention de ne pas rester coincé dans une position inconfortable...Il n'était pas évident de se retourner ainsi pour amener son corps à l'inverse de ce qu'il était, il s 'arrêtait entre chaque contorsion pour réfléchir au prochain mouvement...Et soudain comme si son corps avait enfin trouvé la solution, il se présenta devant l'orifice les pieds en avant...Il attendit quelques secondes assez fier de sa prouesse ,se laissa glisser et se retrouva debout manquant écraser le chaton...
Il se débarrassa de ce qui avait été une couverture et qui l'entravait...Enfin ce qu'il en restait après ses reptations sur la roche il y avait maintenant plus de trous que de tissu...
Un coup d'œil autour de lui , il vit une grotte de terre battu et tout au fond ce qui semblait être une ouverture...Sa bougie s'était éteinte et il avait du la lancer avec la besace pour ne pas être encombré...Il la chercha et se munissant des allumettes qui étaient dans sa poche , la ralluma...
Il fut pris de court, deux yeux qu'il connaissait le regardaient hargneusement c'était la bête...
Comment la faire partir il semblait qu'elle l'attendait et cette fois-ci le loup ne serait pas là pour lui sauver la mise...Doucement il chercha le sifflet de la grand-mère dans la poche de son pantalon, quand tout à coup la petite boule qui était immobile à ses pieds hérissa son poil et sortit de sa gorge un cri de guerre tellement horrible qu'il sursauta et surprit la bête qui ne comprenant pas, préféra battre en retraite...
Dans le coin de la grotte se trouvait une couverture comme si quelqu'un avait séjourné là...Soudain son œil fut attiré par un pull qu'il connaissait, il s'en approcha et fut pris de tremblement...Il n'osait pas s'en saisir, mais il le reconnaissait, c'était celui de son amie, sa princesse, elle le portait lorsqu'il était parti à la guerre...Il la revoit devant la maison paternelle, il n'avait jamais pu oublier son image, ses cheveux roux au vent et les larmes qui coulaient sur ses joues...
Il se baissa, le prit dans ses mains et délicatement le porta à son cœur, puis ensuite à son visage...Soudain un flot d'images arrivèrent a son esprit, il se couvrit alors le visage de l'objet aimé, pensant et repensant ses souvenirs qui arrivaient à lui en rafales.
Elle avait vécu là sur cette couverture jetée au sol, mais qui donc l'avait amené ici et pourquoi? Il continua son inspection avec encore plus de minutie , effrayé à la seule pensée de ce qu'il lui était arrivé...Dans le coin de la pièce se trouvait une écuelle et un verre en fer blanc, comme ceux qu'avaient les soldats...La grotte vers le fond semblait se rétrécir , il emprunta ce passage , mais avant il prit dans sa main le couteau de grand-mère et avança...Le passage ouvrait sur une autre grotte, une grille en empêchait l'accès...Il essaya de la pousser fortement, elle était fermée à clef...Il fallait qu'il fasse sauter la serrure, il était maintenant effrayé de ce qu'il pouvait y trouver...Il se souvint avoir amener dans ses affaires du fil de fer, il retourna donc à la besace, en sortit le fil et s'ingénia à essayer de décoincer le pêne du verrou après avoir réussi à coincer la bougie au sol dans une faille de la roche.
Enfant il avait avec son ami ouvert ainsi une cave dans laquelle ils s'étaient enfermés pour jouer...Il avait eu à l'époque une énorme frayeur à l'idée que personne ne sachant où ils étaient, ils auraient pu rester fort longtemps prisonniers de cet horrible endroit...Il s'était souvenu alors de son grand père, lui expliquant le montage d'un verrou, et c'est fort de ces explications qu'il avait pu ouvrir la porte...Il se remémora donc l'intérieur du verrou et avec le fil de fer tenta de faire lâcher le pêne...Il commençait à trouver le temps long quand tout à coup la serrure émit un bruit et la grille s'ouvrit...
Il reprit la bougie et avança doucement dans l'antre qu'il venait d'ouvrir...
A la lueur de la flamme, il aperçut un tas d'objets hétéroclites, des armes, des casques de soldats, des valises encore pleines de vêtements et d'objets insolites comme si elles avaient été faites à la hâte...Il se pencha sur l'une d'elle, en tira un vêtement et resta le bras tétanisé lorsqu'il entrevit la branche d'une étoile jaune cousue sur la veste qu'il venait d'extirper...Pris d'un coup de folie il versa à terre toutes les valises et du se rendre à l'évidence, il s'agissait bien de valises de personnes juives qui devaient partir en Allemagne dans des camps de travail, enfin c'est ce qu'il pensait lorsqu'il était venu en permission et que le flanc de la montagne s'était effondré le retenant prisonnier du village...Ainsi donc pensa t-il les malheureuses personnes à qui avaient appartenu ces affaires n'étaient jamais arrivées en Allemagne, mais qu'étaient elles donc devenues? Il chercha a chasser l'idée qui soudain venait de lui traverser l'esprit, non il ne devait pas penser dans la négativité,pourtant il ne pouvait s'en empêcher...Comme une évidence qui se présentait à lui!!! Il avait déjà été outré de la façon dont l'Allemagne et certains Français s'étaient mis à traiter les juifs, les accusant de toutes les fautes, les insultants, les rudoyant avec une telle infamie qu'il en avait été bouleversé et s 'était même demandé comment il pouvait faire pour en cacher quelques uns au sein de son village, mais il n'en avait pas eu le temps, les éléments ayant décidé pour lui...Il associa sa princesse à sa découverte mais n'arrivait pas à comprendre... Pourquoi s'était elle retrouvée avec ces gens , avait elle essayé de les sauver et rattrapée par des mains meurtrières l'avait elles prises pour une des leurs??? Son angoisse était au paroxysme , il manquait soudain d'air et n'avait plus qu'une envie sortir de cet endroit, malsain quand il remarqua un mur beaucoup plus clair que le reste de la grotte , la pierre n'était pas uniforme elle semblait avoir été reconstruite, il fallait qu'il revienne avec des outils qui lui permettraient de creuser dans la roche, il allait partir quand il se dit qu'il valait mieux ne pas attirer l'attention des horribles personnes qui avaient dévié de leur route tous ces pauvres gens, il ramassa donc les valises, jeta en vrac tout ce qu'il avait déversé sur le sol et se dirigea vers la grille, qu'il referma soigneusement...Il aperçut alors le chaton qui l'attendait et qui se mit à miauler dès qu'il le vit, il se baissa, le prit contre sa poitrine et machinalement le caressa...La chaleur de ce petit être vivant lui fit du bien, il ramassa sa besace, éteignit la bougie et se dirigea vers ce qui semblait être une sortie possible sur l'autre flanc de la montagne...Il se laissa guider par une lumière qui pouvait éventuellement venir de l'extérieur, et quelle ne fut pas sa consternation quand il arriva dans une pièce circulaire, de constater qu'elle était éclairée certes par des rayons de lumière, mais qu'ils semblaient être jetés au travers d'un orifice , il leva alors la tête et à au moins à 30 mètres de hauteur il aperçut enfin le jour...
Une demi pénombre régnait dans ce gouffre, il laissa ses yeux s'y habituer et jeta un coup d'œil circulaire pour comprendre comment en sortir...D'autres l'avaient fait avant lui, c'est donc que cela était possible...Il s'approcha de la paroi, des encoches s'y dessinaient certes usées par le temps mais qui lui ouvriraient la voie de la liberté...Il avait déjà effectué des ascensions de parois rocheuses il fallait juste qu'il trouve des objets qui remplaceraient les piolets nécessaires à assurer sa montée...
Il se souvint que dans son sac de survie il avait glissé le morceau de bois devenu tour à tour échasse et flèche, bien affûté il pourrait s'en servir comme d'un piolet , certes il ne fallait pas qu'il casse ...Il devait le renforcer...Mais oui bien sur, il lui restait du fil de fer , il allait en barder la lance et au bout y attacher la fourchette ...Il retourna donc dans la grotte , une petite faim se fit sentir et décida de se restaurer avant de s'attaquer à ce travail et ensuite à l'ascension de la paroi qui lui permettrait de nouveau d'accéder au monde extérieur...Il se nourrit donc des beignets qui lui restaient , d'un morceau de pain et de fromage puis d'une pomme, il but l'eau de la source, qui avait bien entendu refroidi , la potion de la grand mère lui donnait un goût mentholé qui n'était pas désagréable, bien au contraire...Il prit l'assiette en fer blanc qui se trouvait à terre, la nettoya avec un chiffon et émietta des petits morceaux de son frugal repas qu'il mélangea à l'eau...Quand il la présenta au chaton celui ci fit un bond en arrière, il le prit doucement et approcha lentement sa tête de la nourriture , et ce n'est que lorsqu'il lui vit sortir sa petite langue qu'il le posa à terre ainsi que sa nouvelle écuelle...Rassuré pour son jeune compagnon, il s'attaqua donc au renforcement de la flèche non sans avoir oublié d'y adjoindre la fourchette...Ce ne fut pas une mince affaire car travailler le fil seulement à l'aide de ses doigts n'était pas chose facile...Enfin il sentit sous sa main un objet assez maniable et surtout moins fragile...Il décida finalement de prendre sa besace et surtout de ne pas oublier son valeureux ami, qui rassasié ronronnait à souhait comme pour le remercier...Il devait garder son couteau à porter de main pour creuser au mieux les encoches si cela était nécessaire, son nouveau piolet , le chaton dans la besace, et celle ci passée autour de son épaule, il était fin prêt pour attaquer l'ascension...Il se dirigea enfin vers le gouffre.
Il respira s'assura qu'il avait tout en main, mit le chaton dans la besace qu'il repositionna dans son dos pour ne pas qu'elle le gêne évalua la position des encoches et s'apprêta à poser son pied sur le premier renfoncement quand il sentit un souffle dans son dos , il comprit en une fraction de secondes sans avoir à se retourner!!! Cette fois ci il ne pourrait pas s'échapper, il fit glisser sa sacoche par dessus son épaule et la posa très vite à terre, se munit du couteau de grand-mère et se retourna prestement tout en se baissant et en se déplaçant d'un bond , la bête haineuse puisqu'il s'agissait bien d'elle alla se cogner contre la paroi du gouffre, mais elle ne resta pas groggy très longtemps et se prépara à rebondir sur lui. Il se dit qu'il ne pouvait que continuer sa technique des bonds de côté, tout en essayant de toucher la bête avec son couteau, il la frappa au flanc mais c'était malheureusement très superficiel...
Le temps que la bête furieuse récupère il prit le sifflet de Grand Mère qui se trouvait dans sa poche et émis un son si puissant qu'il eut les tympans touchés par les sons aigus qui s'en échappaient...
La bête semblait devenir folle et se mit à tourner en cercle , il adapta son corps à la rotation et se servit du couteau pour tenter de lui perforer le flanc...Il n'était plus lui même comme si il avait avec cette horrible chose un compte à régler, il lui semblait que lui aussi devenait fou, fou de rage, fou de peine, fou d'Amour, fou de haine tant retenu, il eut l'impression qu'il allait perdre la raison quand la bête touchée a plusieurs endroits s'affaissa d'un seul tenant , il lui asséna alors le dernier coup, de la bave sortit de la gueule de la bête ensanglantée qui lui décocha un ultime regard haineux avant de mourir...Il s'assura que c'était bien fini et s'assit à terre ...La tension redescendait , il avait du mal à reprendre son souffle et surtout ses esprits, il s'était fait peur, contaminé par la haine de l'horrible monstre...Comment avait il pu en l'espace de quelques instants développer autant de terribles sentiments, devenir à son tour un animal, perdant toute raison d'un esprit qui lui semblait quelques instants auparavant humain...Il était hanté par le dernier regard de la bête , comme si il lui rappelait un regard connu mais pas aimé, un de ces regards insupportable , qui donne parfois envie de tuer l'autre...Il se dit qu'il était encore sous le coup du combat et que son esprit partait en vrille, et lui causait un dérangement psychique certain...Il devait se relever et sortir au plus vite de ce gouffre devenu malsain par la mort de la bête...Il se dirigea vers la paroi, se baissa pour ramasser la besace, le chaton roulé en boule tremblait de tous ses poils...Il le prit, le serra contre lui, attendit qu'il se soit apaisé avant de le remettre dans la besace et de placer celle-ci dans son dos; Il devait maintenant quitter cet endroit au plus vite...Il positionna son pied droit sur la première encoche et armé de son piolet attaqua l'ascension...Il allait très doucement s'assurant à chaque instant de la prise suivante , plusieurs fois il eut l'impression qu'il allait dévisser , mais il devait tellement se sortir de cette situation, que pas une seconde il ne pensa qu'il pouvait retomber dans le gouffre, enfin il sentit l'air frais lui balayer le visage. Il mit le pied sur la dernière encoche , ancra le piolet très fortement dans la terre qui bordait le gouffre et d'un coup de rein se projeta à l'extérieur...Il atterrit sur de l'herbe qui amortit quelque peu le choc et de suite pensa au pauvre chaton qu'il avait mis a rude épreuve...Il ouvrit le sac et vit un être tout en Amour qui le regardait. Il le sortit , le prit contre lui et ils restèrent un long moment entre ciel et terre, dans une autre dimension...
D'un coup d'oeil circulaire, il embrassa le flanc de la montagne et dans la vallée en contrebas , il vit un village qui se dessinait...Il ne fallait plus traîner , il ne voulait pas être de nouveau surpris par la nuit , il lui fallait descendre au plus vite vers la vallée...A quelques mètres de là se trouvait une pancarte avec interdiction de s'approcher du gouffre pour cause de mines de guerre encore présentes...Il comprit pourquoi personne n'était venu explorer l'endroit. Il se sentait lourd dans ses pensées mais le cœur léger, il avait réussi et allait enfin pouvoir désenclaver son village et retrouver sa bien aimé...Il espérait y arriver mais Il fallait néanmoins qu'il reste prudent car il ne savait pas si la guerre continuait et si les allemands étaient toujours présents...
Il arriva quelques trois heures après proche du village, sur la défensive, rasant haies et murs , et ce n'est que lorsqu'il s'approcha de la place qu'il comprit que la vie avait l'air d'avoir repris son cours et que les gens assis sur la terrasse du café semblaient pour le moins détendus à l'approche de cette fin de journée...Il s'arrêta à une fontaine , se lava le visage et les mains et pensa à boire, quel plaisir se dit-il juste de l'eau fraîche, puis il passa ses mains mouillées dans ses cheveux et se trouva fin prêt à affronter toutes les questions des villageois, qui n'en croiraient pas leurs yeux...
Il arriva donc sur la place, d'un pas qui se voulait à la fois sure et nonchalant, ne comprenant nullement les regards que les gens posaient sur lui et qui n'étaient pas ceux réservés à l' enfant qui revient au pays mais plutôt ceux qui se demandent que vient donc faire ce vagabond ici et d'où sort-il? Lorsqu'il s'était arrêté à la fontaine, il avait pris en repartant le chaton contre lui et l'avais glissé dans sa veste, le mettant ainsi au chaud et à l'abri des regards... Ce n'est que lorsqu'il entra dans le bar et qu'il vit l'image que lui renvoyait le miroir qu'il comprit...Les cheveux en pétard, les vêtements sales et parfois déchirés, un ventre un peu proéminent et qui se mouvait doucement, il ressemblait effectivement au pire des mendiants...Il prit le temps de s'accouder au comptoir, regarda le patron , commanda un petit noir et commença à parler...Peu à peu un attroupement se fit autour de lui, les gens n'en croyaient pas leurs oreilles et maintenant tout ce petit monde se bousculait pour le toucher et lui poser des questions...Le chaton se lova et ne bougea plus...
Enfin le brouhaha s'apaisa et il raconta comment ils avaient vécu dans la montagne en complète autarcie...Et surtout comment il avait eu l'idée d'y chercher un passage secret et les difficultés qu'il avait rencontré , non sans manquer de leur parler de la grotte, qui semblait avoir été visitée par d'autres personnes et des affaires qu'il avait trouvé. Il insista surtout sur le fait qu'ils devaient tous y retourner pour creuser dans la roche de la deuxième grotte, celle qui était fermée par la grille, car il y avait ressenti un mauvais présage. Enfin il posa la question qui lui démangeait la langue, qu'était devenu le bourg qui se trouvait au pied de l'autre versant, et le Maire était il toujours de ce monde???
Un homme qui semblait être un des notables du village s'approcha de lui pour lui offrir l'hospitalité pour la nuit, un bon bain chaud, un bon repas et ensuite se proposait de l'amener le lendemain au bourg. Il le vit se diriger vers les autres villageois et leur donner rendez vous au lendemain matin assez tôt pour aller visiter la grotte avec tous les outils nécessaires...
Puis il montra le chemin à notre valeureux jeune homme et l'amena vers une ferme voisine où il résidait. Notre Maire puisqu'il s'agissait de lui le laissa se détendre dans un bain et ensuite lui ayant prêté des vêtements propres l'invita a s'asseoir dans le séjour, lui offrit un bon verre de vin et lui demanda de lui raconter de nouveau toute son histoire, en attendant que son épouse finisse de préparer le repas du soir...
Le chaton livré à lui même et se sentant en sécurité était allé explorer l'endroit et surtout la cuisine où un gros matou noir le reçu en faisant le dos rond . La maîtresse des lieux ne tarda pas à le gronder pour qu'il fit de la place a un plus petit que lui et ayant partagé leur écuelle, ils se retrouvèrent bientôt tous deux rassasiés et emmêlés dans un sommeil qui les avait réconcilié...
Le jeune homme rassuré sur son compagnon de route revint au sujet qui hantait sa tête, il n'arrivait pas à comprendre comment personne n'avait essayé d' accéder au village sinistré et chercher à savoir si il y avait des survivants...Le Maire ne savait que répondre, et il lui fit à son tour un récit fidèle de la fin de la guerre, les horreurs perpétrés par les Allemands et des collabos français, les trains de juifs qui avaient été amenés en Allemagne dans des camps, puis torturés et incinérés ...Une véritable volonté de les exterminer...Il lui parla de ceux qu'ils avaient eux sauvé au Village , mais fut pris de doute en repensant à ce que lui avait dit le jeune homme concernant ce qu'ils pourraient trouver dans la grotte lorsque demain avec quelques hommes ils se rendraient dans ce lieu maudit...Il espérait juste que des gens proches qu'il avait côtoyé pendant toutes ces années n'étaient pas mêlés à ce carnage...Alors il est vrai que quand ils avaient appris que le village avait disparu suite à un bombardement, ils n'avaient pas été chercher plus loin, chaque famille étant trop occupée a panser ses plaies ou à pleurer ses Morts pour la France. Le jeune homme allait lui demander des nouvelles du bourg voisin lorsque l'épouse vint leur dire que le dîner était enfin servi.
Le repas fut pris quasi religieusement, notre jeune homme était pour le moins affamé et le veau de lait cuisiné pour lui faire honneur, en tout point délicieux, il y avait malheureusement fort longtemps que ses papilles ne s'étaient pas autant régalées...Chacun mangeait avec plaisir et attendait la fin du repas pour finir de répondre aux différentes questions restées en suspens. La dernière bouchée de la tarte aux myrtilles avalée , notre Maire proposa pendant que son épouse débarrassait la table, de prendre le café au salon et de continuer leur discussion sur certains points d'ombre. Il revint sur ce qui le chagrinait vraiment la présence peut être d'un charnier dans la grotte...Tout à coup le jeune homme se souvint qu'il avait trouvé la veste de son amie à terre et l'angoisse qu'il avait occulté depuis sa sortie du gouffre le reprit, c'est alors que coupant la parole à son hôte il osa enfin demander si il avait des nouvelles de la jeune fille et de son père...Ce dernier le regarda avec beaucoup de tristesse pour lui annoncer que le Maire du bourg voisin qui avait été également un ami très cher a son coeur, était mort d'une crise cardiaque deux ans auparavant , peu après que leur village se trouve isolé. La jeune fille s'était comportée avec beaucoup de dignité, reprenant les affaires de son père et aidant souvent les maquisards à cacher des réfugiés dans leur montagne...Il pensait que le vêtement , elle l'avait peut être offert à quelqu'un qui en avait besoin et c'était surement la raison de sa présence dans la grotte...Malgré la peine que le jeune homme éprouvait en apprenant la mort de son Maître, ses yeux brillaient d'une certaine excitation en comprenant que sa promise était vivante...Il osa enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres , était-elle toujours libre ou bien s'était elle mariée, peut être avec le fils du Notaire ?
Pour ce qui est du fils du Notaire , il semblait avoir fait partie des collabos et la jeune fille l'avait repoussé sans cesse malgré la cour pressante et parfois lourde qu'il lui faisait, arguant qu'en tout état de cause puisque vous étiez mort, elle était délivrée de toute promesse...Mais la jeune fille connaissant les mauvais côtés du garçon avait tenu bon et il avait disparu un jour où tous les hommes étaient partis en battus contre les loups qui avaient envahi la vallée...
Voyant la fatigue du jeune homme se manifester par les clignements des yeux qui animaient son visage, il décida de le libérer , lui montra sa chambre et lui donna rendez vous au lendemain matin au petit déjeuner...Le chaton tout à coup réveillé et sur ses talons miaula pour aller sur le lit et ils s'endormirent tous deux épuisés par les aventures qu'ils avaient vécu.
Un mauvais rêve réveilla notre jeune homme qui fit sursauter son compagnon de chambre...Il revivait son combat avec la bête et le regard haineux qu'il lui avait jeté, et soudain un visage se superposa et il revit nettement le regard du fils du Notaire et la haine qui l'animait chaque fois qu'il le voyait en compagnie de sa promise...Il se demanda si il était toujours dans le rêve ou si la réalité s 'était superposée...Les éléments avaient peut être puni le jeune homme et s'était il réincarné en cette bête haineuse , en tout état de cause le chapitre , il l' espérait était maintenant clos...Il se rendormit du sommeil du juste et se réveilla excité à l'idée de retrouver sa princesse.
Il se débarbouilla, s'habilla et descendit dans la cuisine...La table du petit déjeuner était prête, des effluves de café arrivaient à ses narines , mais ce fut son hôtesse qui l'accueillit , le Maire étant parti ce matin très tôt en demandant à son épouse de faire patienter le jeune homme...Il se jeta avec plaisir sur les mets qui étaient présentés sur la table, pendant que le chaton ayant retrouvé le matou de la maison lapait avec lui un bol de lait...La dernière gorgée de café avalée, la porte s'ouvrit sur le Maire dont le visage portait les stigmates de la découverte qu'il venait de faire dans la grotte .
N'ayant plus de doute le jeune homme ne chercha pas à connaître l'horreur de la découverte faite, il demanda seulement au Maire si il avait des doutes sur une personne précise . Le Maire se servit un café qui était encore chaud et s'assit avant de reprendre sa respiration ...Il ânonna plus qu'il ne parla et dans un souffle le jeune homme entendit juste ceci « ils ont du mourir par étouffement et manque d'air, empilés les uns sur les autres, cela a été insoutenable...Mes hommes doivent ramener ce qu'il reste de ces pauvres gens, afin qu'il leur soit donné une sépulture honorable, je vais contacter le Rabbin de la Ville et le curé du bourg...Beaucoup de personnes juives surement mais pas que, certainement de jeunes maquisard tombés aux mains de ces salauds....Il ne faudra jamais oublier... ». Je prendrais le temps , mais je les retrouverais murmura t-il...
Mais comment ne pas se souvenir se dit notre Jeune Homme , qui était donc coupable de ces crimes gratuits, de ces vengeances de l'incompréhension, jusqu'à quand les peuples continueront ils à se faire la guerre, et à obéir à des fous...Chacun dans son coin essaierait pour continuer à vivre, d'occulter ces images horribles qui les hanteraient pendant longtemps, mais ils ne devraient jamais oublier car aussi longtemps qu'ils vivraient il témoigneront des horreurs vécus par ces pauvres gens...
Au bout d'un long moment de torpeur le Maire sortit de son mutisme, il regarda le jeune homme comme si il le voyait pour la première fois , se souvint tout à coup que la vie continuait pour autant et qu'il lui avait promis de l'amener au bourg voisin, il se leva donc et le pria de le suivre. Le chaton lové contre lui , il prit sa besace et demanda avant de partir la permission d'aller saluer son hôtesse, qui se trouvait dans l'étable...
Celle ci l'invita à revenir avec sa famille lorsqu'ils auraient enfin désenclavé le village.
Le jeune homme monta dans la citroën noire qui se trouvait dans la cour , le maire déjà au volant l'attendait. Il lui demanda si il préférait conduire, mais n'ayant jamais eu de véhicule en personnel et n'ayant conduit que des camions de l'armée, il ne s'en sentait pas encore le courage...Il se cala donc contre le siège et dès qu'ils furent sorti du village, ils entamèrent une conversation très importante sur la façon de sortir le Village oublié, de son isolement... Le jeune homme avait eu le temps d'y réfléchir assez longuement pendant ces deux ans et lui suggéra une solution. Il fallait remblayer en partie la faille qui s'était formée et ensuite construire une route en la contournant...Le Maire réfléchit quelques instants et se dit qu'il faudrait employer des technologies modernes pour aller au plus vite...Il lui parla donc d'une cabine tirée par un câble et qui après avoir aidé à ravitailler des villages isolés était maintenant conçu pour acheminer les personnes, et plus précisément dans l'intention d'amener les gens skier sur les sommets, on commençait à appeler ces cabines des téléphériques...Le jeune homme regardait le Maire la bouche bée , et se demandait ce qu'il allait encore découvrir, après ces deux ans hors du monde ...Il apprit ainsi que beaucoup de Français a cette sortie de guerre rêvait de vacances et d'amusement et que le ski commençait à être très à la mode dans certaines classes aisées...Voilà un bien beau débouché pour votre village dit le Maire...et une bien belle manière de vous désenclaver...Tout en parlant ils ne s'étaient pas rendu compte qu'ils approchaient du bourg, et ce n'est que lorsqu'ils aperçurent les premières maisons qu'ils surent qu'ils étaient arrivés...Le cœur de notre Jeune Homme se mit à battre la chamade, ils se demandait comment Elle allait réagir en le voyant, et si ses sentiments étaient encore présents...Autant de questions qui tournaient en boucle dans sa tête...Le Maire arrêta le véhicule devant une maison , et s'apprêta à sortir, quand il vit le jeune homme tétanisé qui n'arrivait même plus à s'extraire de la voiture, il le bouscula donc quelque peu pour le faire réagir et d'un ton un peu autoritaire lui demanda de le suivre...Le chaton sur les talons, ils se présentèrent donc devant la grille de la maison et le Maire agita la cloche...Au bout de quelques secondes arriva une jeune fille rousse dont le visage s'éclaira d'un grand sourire en voyant l'ami de son père, il la serra contre lui et s'effaça pour laisser la place libre au Jeune Homme, qu'elle n'avait pas encore aperçu, ils pâlirent en même temps, tous deux immobiles n'osant même plus faire une seul geste. Il se passa un long moment où ils se regardèrent n'en croyant pas leurs yeux, aucun sons ne sortaient de leur bouche, ils étaient posés là comme hors du monde dans une bulle qu'ils venaient de créer et qui n'appartenait plus qu'à eux deux...
En les regardant le Maire se dit que c'est deux là étaient fait pour se rencontrer , et qu'ils auraient pu traverser encore plus d'années , de temps , de vies , ils se seraient toujours retrouvés sachant l'un et l'autre qu'ils s'attendaient au- delà de toute contingence...Ensemble ils avancèrent, se saisirent les mains et se retrouvèrent tout simplement dans les bras l'un de l'autre, chacun ayant la certitude et la ferme conviction d'avoir retrouvé une partie vitale de soi-même...Un chaton à leur pieds miaulait d'aise et de joie...
Le Prince et le chaton avaient enfin retrouvés la Princesse, ils avaient maintenant toute une vie pour se raconter tout ce qui leur était arrivé...Le village fut désenclavé et devint une station de ski renommée...Le Notaire mourut de chagrin en vouant une haine éternelle aux loups qui lui avaient volé son fils...Le boulanger du village oublié devint le roi du pain brun et bio...Le ferronnier coula des jours heureux entre ses enfants et ses petits enfants...La Grand Mère se dit qu'il était temps qu'elle tire sa révérence quand elle vit arriver cet afflux de gens amenés par un téléphérique flambant neuf, non sans avoir transmis ses recettes magiques à notre jeune Princesse...Quand à nos héros ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et de petits chatons et vécurent très très très heureux!!!
*******************************
L'OR D'UN SOLEIL...
La porte vient de se refermer...Le local est vide , étrangement vide...Un vide angoissant, un vide qui ne semble pas avoir de fond, un vide total...Que faire ? Vendre!!! Mais qui voudra de ces 250m² en pleine crise, qui acceptera de racheter le droit au bail d'un espace culturel vidé de sa substance? Surtout ne pas lâcher les amarres de cet énorme paquebot qui pèse sur mes épaules. Je reste là les bras ballants, n'arrivant même plus à réfléchir, les forces me manquent. Comme j'aimerai me lover quelque part , attendre que mon corps redevienne celui d'un tout petit enfant et retourner dans le ventre de ma mère...La visualisation du ventre de maman tout à coup me met dans un état second au bord de la crise de claustrophobie...Je halete, essai de respirer l'air me manque, mais suis je donc idiote , il y a si longtemps que j'ai coupé le cordon ombilical, à l'évidence je ne peux plus m'en servir pour respirer...Pauvre maman, quelle drôle d'idée que de vouloir retourner dans son ventre, quand je pense que notre mésentente datait surement de cette vie à l'état de fœtus qu'elle m'a imposé neuf mois durant, quand moi j'aurai voulu être dehors à l'instant même où mon père décida d'envoyer un super spermatozoïde féconder un de ses ovules...Je refais surface avec le vide qui m'entoure...La goutte d'eau qui a certes faillit me noyer, c'est sans aucun doute cette rencontre brutale, sans appel, bruyante, sale, poussiéreuse avec les travaux pharaoniques entrepris par le nouveau propriétaire du local qui jouxte le passage qu'empruntent les personnes qui venaient visiter ou faire des activités dans ce qui était il y a encore peu de temps un centre culturel calme, paisible, en dehors de la pollution...Quelques affiches collées ici et là attestent de tout ce que nous avions vécu lui et moi...Le mot pharaonique, me fait tout à coup penser à une pyramide et voilà me dis je, je suis arrivée dans ma dernière sépulture, j'ai l'impression d'avoir posé mon âme là sur ce sol , mes neurones se sont noyées elles aussi avec la dernière goutte , je ne peux plus réfléchir, il est peut être temps de partir, laisser ce corps qui me fait défaut,récupérer mon âme et me laisser porter par les éléments...Je suis donc à ce point crucial de mes réflexions avides de vide lorsque j'entends un léger bruit derrière la porte, et dans la noirceur de mes pensées, j'imagine celle qui vient peut être déjà me chercher , celle qui n'a pas perdu de temps, celle qui se fait surement un énorme plaisir de m'emmener vers le néant...Un dernier sursaut de force remet mon corps en mouvement et je me lève prête à aller la regarder droit dans les yeux ...Mais pour qui se prend elle donc? Non mais sans blagues!!! J'ouvre la porte animée par un regain d'énervement , et la referme brutalement en me disant qu'elle est prête à tout pour arriver a ses fins. Elle a pris l'aspect d'un...Mais non ce n'est pas possible...Mais si je vous le dis, je dois encore aller regarder...Je n'ai pas rêvé derrière cette porte, oui c'est bien cela il y a un goéland ou un gabian comme on dit par chez nous bien planté sur ses deux pattes palmées, qui ose me lancer un regard pour le moins assez bizarre...Je baisse les yeux vers lui, me tenant sur mes gardes , mais a première vue il ne semble ni agressif, ni affamé. Me voilà donc sur le pas de la porte partagée entre la volonté de la refermer de peur qu'il ne m'attaque et cette pensée qui tout à coup me traverse et me ramène à Jonathan Livingston, le goéland, de Richard Bach. Ne voilà t-il pas maintenant que j'imagine des personnages sortis tout droit de contes philosophiques...Le stress m'a certainement déboussolé, je dois refermer cette porte très vite, je les ai déjà vu attaquer et fondre sur leur proie. Je suis en danger !!!
Je me recule, referme la porte avec une certaine angoisse, repensant avec terreur « Aux Oiseaux » ce film d'Hitchcock, qui m'avait terriblement marqué...
Tétanisée, je reste quelques secondes derrière la porte , la peur au ventre, n'arrivant pas à me contrôler comme si tous les événements que j'avais vécu ces derniers temps refaisaient surface et se logeaient dans mon ventre, dans mon estomac , diffusant une angoisse montante à l'intérieur de mes veines. Je la sens sinuer au travers de mon corps, elle remplit le vide qui tout à l'heure m'avait laissé anéantie.
Il semblerait pourtant que la vie tente de redonner goût à ma vie, au travers de ce moment de peur qui vient de m'habiter. Je me sens sortir du néant, je perçois de nouveau des sensations. Je renais...
Je suis là, dans le détail de mes réflexions lorsque de nouveau il frappe à la porte...Il n'est pas parti, mais qu'attend il donc de moi ? Je suis me semble t-il pour le moment incapable de pouvoir engager une quelconque relation , même avec un goéland...D'abord maîtriser mon stress..Je m'assied au sol derrière la porte , ferme les yeux et tente de visualiser cette angoisse qui coule dans mes veines, je dois en régler le débit, l'obliger a se mettre au diapason de mon système sanguin, ne plus sentir le sang frapper dans mes oreilles comme si il allait me crever les tympans et se déverser en jets autour de moi, cesser de penser que quelqu'un cogne aux parois de mon cœur pour qu'il s'ouvre en deux...Je respire donc à fond comme je l'avais vu faire lors des cours de sophrologie, petit à petit un certain calme s'instaure et c'est à ce moment là que je m'entendis lui parler...
« Ne t'en va pas, attend encore un peu, faisons connaissance, je sais c'est idiot de te parler au travers d'une porte, mais je dois me familiariser, je croyais il y a juste quelques heures en finir avec cette vie là... »
« Tu ne dis rien, juste un petit toc, un léger souffle pour me signifier que tu es toujours là, que tu n'es pas Elle , et que tu n'attends pas le moment de m'emmener avec toi... »
« Tu sais je perdais pied, j'étais à la dérive, prête à me noyer, et maintenant tu es là, puis je t'appeler Jonathan? Tu me fais tant penser à lui qui voulait dépasser les limites de cette liberté qui lui avait été octroyée en naissant goéland... »
« Dis moi Jonathan, si l'on devient ami, tu m'apprendras à voler..Parfois tu sais, dans mes rêves je me déplace vite, si vite. Je vais dans des endroits étranges et j'ai l'impression de survoler le monde, mais au matin toujours ce sursaut qui me fait tomber brusquement et réintégrer mon enveloppe terrestre, provoquant ces réveils nauséeux, entre ciel et terre... »
« Tu as soufflé, je l'ai perçu, donc tu me comprends. Veux tu que je continue à t'appeler Jonathan, je me sentirai rassurée. Tu as tellement aimé les autres pour quitter ton Éden et aller à leur rencontre juste par Amour, juste pour leur dire que personne n'est obligé d'accepter la vie telle qu'elle semble être tracée en naissant...Toujours repousser les frontières de la pensée imposée.. »
Toc...toc...toc...
Je sursaute, mon corps alourdit par tant de stress a glissé sur le sol, mes yeux se sont fermés et j'ai du m'assoupir ; longtemps ? Je ne sais pas , le temps n'existe plus ! Je ne suis plus un paquebot à la dérive , mais je vogue entre deux eaux, je suis un dauphin et j'attends mon ami Jonathan le goéland pour jouer avec lui et sortir des limites ancestrales qui m'ont été transmises, je me sens exister, je me sens vivre, mon sang a repris son cours habituel, ce n'est certes pas celui d'un long fleuve tranquille, mais il ne me perturbe plus...
Toc...toc...toc...
« Oui Jonathan, je t'ai entendu, tu es là mon sauveur...
Une quinte de toux me submerge, je me dis que c'est le froid contact du sol et de la porte en fer sur laquelle je suis adossée, mais non je n'ai ressenti aucun frisson m'envahir, l'angoisse semble m'avoir quitté, et un certain bien être m'habite...Ce doit juste être la pollution encore dans l'air imposée par cet Imhotep , cet homme habité par un égo tridimensionnel et qui a entrepris ces travaux pharaoniques au détriment des voisins proches...Ce non bâtisseur des temps modernes, ce fou du dé bétonnage et du re bétonnage au mépris du respect de la pierre ancienne, celui par qui le malheur arriva, celui qui fit de mon lieu calme et non pollué, un endroit bruyant et sale, précipitant sa chute...
Toc...toc...toc...
« Tu as raison, aimer les autres au-delà de leur non amour, aimer sans restrictions , pour ne pas soi même se polluer, aimer pour se protéger, aimer pour être plus fort que l'autre...Faire de sa pensée un continent de liberté, de positivité, ne jamais laisser la haine envahir son cœur... »
« Tu disais Jonathan? Il me semblait t'avoir entendu parler...Excuse moi mon goéland, mon ouïe me joue des tours, je sais bien que tu ne peux pas parler, mais tu m'as déjà tellement aidé par ta seule présence. Juste savoir que tu es là derrière la porte et que lorsque je l'ouvrirais notre rencontre sera encore plus extraordinaire., la rencontre d'une naufragée de la vie et d'un goéland. Imagines tu seulement une seconde ce titre sur un journal quelconque? Mais personne ne le croira, je passerai pour une possédée, on dira que le stress m'a amené aux confins de la folie, qu'il est nécessaire et urgent de me mettre sous antidépresseurs et peut être même finiront ils par penser qu'un court ou long séjour au pays des gens dérangés me ferait le plus grand bien... »
« Attends moi, ne bouge pas de derrière la porte, je vais chercher mon téléphone, mais non n'aies pas peur je ne compte pas appeler à l'aide, non lorsque nous serons enfin ensemble, j'aimerai faire un selfie, pour immortaliser l'instant, pour me souvenir que tu as été là, pour me dire que tu as vraiment existé et que j'ai réellement rencontré Jonathan Livingston, le goéland »
Ah le voilà ! Quatre appels en absence, Qu'importe, juste profiter de ces instants qui ouvrent mon horizon sur un autre ailleurs, une autre vie après cette vie là.
Je m'assied de nouveau à terre ...
« Jonathan , tu n'est pas parti j'espère, j'ai trouvé le téléphone, on va pouvoir immortaliser ces moments extraordinaires. Je n'en parlerai pas, je te le promets. Je veux juste lorsque mes forces se retireront encore , me souvenir que tu as été là, et que si l'on sait entendre ou regarder il y a toujours un espoir qui se trouve lové au fond de soi, juste savoir l'écouter... »
Toc...toc...toc...
« Pardonnes moi j'étais encore dans mes pensées, mais tu as raison il est temps que je me lève, que j'abaisse le loquet de cette porte et que je t'ouvres, tu es prêt? »
Toc...toc...toc...toc...toc....toc
« Oui, oui ne t'énerves pas, j'ai compris, voilà je suis debout, je pose la main sur la poignée et ...
Jonathan, non tu n'as pas le droit, mais qui t'a fais cela , mon Dieu vite les secours je dois te sauver.
Pourquoi n'ont ils pas vu ceux qui t'ont envoyé ces pierres que tu étais Jonathan le goéland,
pourquoi n'ont -ils pas vu que tu étais venu me sauver, pourquoi ont ils pensé qu'il fallait te tuer parce que tu étais différent. Comment peuvent ils imaginer eux « Les Hommes » , qu'ils ont tous pouvoirs sur toi, y compris celui de te tuer...Si ils arrivaient seulement à comprendre que personne n'a de pouvoir sur personne... »
« Oui, c'est ça regardes moi, souffres tu? Je vais te rentrer à l'intérieur, tu es très lourd tu sais, j'ai appelé les secours, ils ne vont pas tarder, je vais aller te chercher de l'eau. Pourquoi me regardes tu fixement ? Attends je reviens... »
Un pompier se trouve sur le pas de la porte, et observe mon goéland...Puis il me regarde avec une certaine compassion, je me baisse vers Jonathan, pour lui ouvrir le bec et verser un peu d'eau dans sa gorge, alors le pompier me relève doucement , me fixe dans les yeux …
« Madame, il est mort votre goéland, il n'y a plus rien à faire, je vais emporter le corps... »
« Mais non ce n'est pas possible , Jonathan ne peut pas mourir, c'est le plus extraordinaire des goélands, il a enfreint toutes les lois pour être libre, il a dépassé toutes les croyances ancestrales, il est allé au-delà des normes, il a ouvert son intellect aux autres, il a donné de l'espoir , de l'amour et appris la sagesse à tous les exclus, cessez de me regarder comme cela je ne suis pas folle!!! »
« Mais , Madame avec tout le respect que je vous dois ce goéland est blessé depuis fort longtemps, il a du venir se réfugier sur le pas de votre porte et vous l'avez surement aidé à mourir par votre présence, je suis sure qu'il est mort heureux en sachant que vous l'aviez pris pour Jonathan le goéland. Au revoir Madame, merci pour lui »
Je reste un moment là, regardant s'éloigner l'homme du feu, qui porte telle une relique mon goéland. Je me dis qu'il n'y a pas de hasard, il m'a choisi pour ses derniers instants c'est un peu comme si il avait sacrifié sa vie pour moi, grâce à lui je sais que je ne sombrerai plus, je n'en ai pas le droit, ma pensée doit s'élever, ma vie ne s'arrête pas là. Un gros orage, même une tempête n'ont jamais été une fin en soi.
Demain « L'or d'un soleil tout neuf tremblera de nouveau sur les rides d'une mer paisible... »
Adieu Jonathan Livingston le Goéland...ou plutôt au revoir...
Sylvette Defrance